Pas content ! - Mot-clé - Union européenne2024-03-27T18:57:02+01:00Gibusurn:md5:d1aadfbb494e48d249c8fbe4fbd6e772DotclearVoter tueurn:md5:bc1832726607996701a71a5c1c7b8c372014-08-11T10:41:00+02:002014-08-11T10:41:00+02:00gibusInsurrectionabstentionBrichedémocratieHazaninsurrectionJappeKamorapports de dominationRousseauSarkozySpinozaUnion européennevote<p><img src="https://pascontent.sedrati.xyz/public/.voter_tue_m.jpg" alt="Voter tue" style="display:block; margin:0 auto;" title="Voter tue, août 2014" /></p>
<p>Je ne <a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/tag/vote">vote</a> plus depuis cinq ans. Le choix de l'<a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/tag/abstention">abstention</a> ne fut pas une décision facile à prendre, mais mûrement réfléchie. Ce refus de voter a suscité dans mon entourage de vives critiques, souvent enflammées, comme s'il représentait quelque chose qui sortait de l'ordre du concevable et par là-même de l'acceptable. Pourtant, plus ma réflexion sur le sujet avance, plus elle me conforte dans ce choix conscient d'abstention active. Plus aussi, la critique qu'il exprime se radicalise, au point qu'à présent, j'en viens à considérer comme une stupidité aveugle le conformisme de ceux qui se résignent encore à voter. Ce billet tente d'expliciter le raisonnement qui me conduit aujourd'hui à approuver la justesse de ce slogan tagué sur un mur du XX<sup>e</sup> arrondissement de Paris, photographié en février 2012 : « Voter tue ! ».</p> <h3>Ne plus donner sa voix</h3>
<p>La première cause ayant entraîné ma décision de ne plus voter est sans aucun doute l'implication que j'ai pu avoir de par mon activisme autour des libertés informationnelles dans la vie politique, au sens premier du terme. J'ai suivi de très près l'élaboration d'un bon nombre de lois, analysant les positions qui s'y affrontaient, disséquant des centaines d'amendements, en proposant moi-même, mettant à disposition du public les outils et les argumentaires lui permettant d'intervenir directement auprès de ses représentants, tant nationaux qu'à l'échelle de l'Union européenne, et – par voie de conséquence – côtoyant ces députés et plus encore leurs assistants. La conséquence de cet activisme fut tout autant un intérêt prononcé pour la chose politique, qu'une compréhension de l'environnement dans lequel elle s'élabore. De là, une évidence pour moi que tous les responsables politiques ne se valent pas, que les uns sont extrêmement plus dangereux que les autres pour accentuer les <a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/tag/rapports%20de%20domination">rapports de domination</a> de l'ordre social actuel, que certains se soucient sincèrement de l'intérêt public, bref que le « tous pourris » est une raison inacceptable de s'abstenir, car rien ne vient confirmer un tel constat.</p>
<p>Mais de là également, la constatation que quelle que soit l'honnêteté d'un député envers l'intérêt général, celui-ci ne viendra pas <em>en première instance</em> dans l'ordre de priorité de ses motivations. Tous les députés, sénateurs, ministres et maires que j'ai rencontrés, sont motivés en premier lieu par le soucis de conserver ou d'améliorer leur place sur l'échiquier politicien. Tous les assistants et membres de cabinet avec qui j'ai étroitement travaillé ne l'ont fait dans le sens désiré que si celui-ci avait le potentiel de servir cette ambition pour leur employeur. Se faire élire ou réélire est le lot de tout responsable politique ayant choisi d'entrer dans ce jeu de la démocratie représentative. Mais c'est une préoccupation qui est nécessairement étymologiquement primordiale. Le fond de l'action politique, son bénéfice ou sa nuisance, ne viennent, si j'ose dire, que collatéralement.</p>
<p>Face à ce constat né d'une expérience d'une dizaine d'années au milieu de la vie politique, je n'ai plus voulu donner ma voix à aucun candidat, qui, dans ce jeu électoral, ne peut avoir de plus cher désir que de l'obtenir, bien avant ses éventuelles promesses de faire porter cette voix dans les décisions qu'il aura à prendre. Car il s'agit bien de la justification première du vote : les citoyens ne pouvant s'exprimer individuellement sur chaque choix à décider, ils confient leur voix à des représentants, charge à ces derniers de relayer la parole de ceux qui les ont élus. Or il m'est devenu évident que ce ne pouvait être l'objectif prédominant de quiconque se présentant à des élections. Quand bien même il arriverait à un élu d'effectivement faire entendre une voix que je considérerais comme mienne, ce ne sera en première instance que pour obtenir mon vote à la prochaine élection. Sans moi ! Je ne donnerai plus ma voix, ce serait l'abandonner à des enjeux électoraux abstraits brûlant la priorité à ce sur quoi il m'importe concrètement de l'exprimer.</p>
<p>J'ajouterais qu'il ne s'agit pas tant d'une remise en cause du principe de la représentation, qu'un refus de donner une quelconque caution à un système ayant abouti à la constitution d'une <em>classe</em> politique, dont la profession est de décider pour l'ensemble des autres, et qui s'accroche à cet emploi de pouvoir comme s'il constituait la totalité prioritaire de l'existence, oublieuse de tout aspect qui n'en ferait pas partie et ne considérant ceux-ci que comme facteurs potentiels de succès ou d'échec dans cette entreprise politicienne.</p>
<h3>Ne plus participer au spectacle</h3>
<p>Il ne m'a pas été facile de répondre aux objections ayant surgi de l'affirmation d'une telle position abstentionniste. Sans plus de réflexion, je ne pouvais que répliquer pauvrement aux accusations assimilant de manière simpliste mon refus de vote à un abandon des principes démocratiques fondamentaux. J'arguais alors que j'en faisait suffisamment pour la démocratie de par mon activisme pour ne plus considérer le vote que comme une réduction insignifiante de son exercice. J'aurais été bien inspiré à l'époque de connaître ce <a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/post/2013/08/02/Rousseau%2C-citoyen-du-futur">passage</a> du <em>Contrat social</em>, de Jean-Jacques <a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/tag/Rousseau">Rousseau</a> :</p>
<blockquote><p>Le peuple Anglais pense être libre, il se trompe fort ; il ne l'est que durant l'élection des membres du parlement : sitôt qu'ils sont élus, il est esclave, il n'est rien. Dans les courts moments de sa liberté, l'usage qu'il en fait mérite bien qu'il la perde.***</p></blockquote>
<p>Mais voyons plutôt quelles objections j'ai pu entendre et combien aucune n'a de poids suffisant pour me faire abandonner cette résolution dans l'abstention. Il est assez simple d'écarter celles qui furent pourtant sans doute les plus virulentes, appelant à la rescousse « ce droit de vote pour lequel nos ancêtres se sont battus jusqu'à risquer leur vie » ou, plus proche de nous, « cette chance de pouvoir choisir dont ont été privés les opprimés des dictatures communistes ». Bien sûr ! Bien sûr que le droit de vote universel — quoique qu'andro-réservé — a constitué un progrès incontestable face au vote censitaire. Bien sûr qu'il n'y avait alors aucun motif pour en <a href="http://www.gauchemip.org/spip.php?article6880">exclure</a> mulâtres, juifs ou comédiens. Bien sûr que le combat pour que les femmes à leur tour puissent voter devait être mené. Bien sûr que les simulacres d'élection imposant un parti unique devaient être démasqués et renversés. Bien sûr qu'il n'existe aujourd'hui aucune raison valable pour que des étrangers participant pleinement aux forces productives et en assumant fiscalement les devoirs ne puissent élire leurs représentants comme tout citoyen. Évidemment !</p>
<p>Mais il ne faut pas non plus éluder le fait que ces revendications légitimes doivent être situées historiquement et dans un contexte social et politique déterminé. Se contenter de ces objections n'a pas plus de profondeur qu'un reproche fait à un enfant qui ne voudrait pas manger sa soupe qu'il existe des personnes qui meurent de faim. Qu'il la mange ou pas n'empêchera pas la famine de ceux-ci. Que l'on vote ou non ne vient pas remettre en cause les combats de <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Maximilien_de_Robespierre" hreflang="fr">Maximilien Robespierre</a>, d'<a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Olympe_de_Gouges" hreflang="fr">Olympe de Gouges</a> ou d'<a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Andre%C3%AF_Sakharov" hreflang="fr">Andreï Sakharov</a> ! Au contraire, comme je le montrerai plus loin, l'abstention vient prolonger l'idéal qui présidait à ces luttes.</p>
<p>Il est en tout cas des raisons contextuelles qui demandent aujourd'hui davantage de justifications pour participer aux élection que pour s'en abstenir. Considérons l'élection vedette en France : la présidentielle. Comment ne pas se rendre compte que cette dernière en est réduite au dernier degré de la pantomime, exaltant le spectacle de deux candidats personnifiés à outrance et destinés à s'affronter pour le pouvoir suprême, entourés d<em>'outsiders</em> dont on sait d'avance qu'ils ne se qualifieront jamais pour le tour final, mais qui viennent pimenter la campagne avec toujours en vue les éventuelles alliances qu'ils pourraient apporter aux favoris ? Comment accepter de participer à ce spectacle en donnant des pouvoirs exorbitants à celui qui en sortira vainqueur ? Mais si l'on est conséquent, comment ensuite enchaîner une participation aux élections législatives, quand la soumission du parti majoritaire à l'exécutif réduit toute latitude dans l'action des députés ?</p>
<p>On pourrait objecter qu'il s'agit là de considérations toutes nationales et que si l'on peut à la rigueur comprendre le désintéressement pour les élections à ce niveau, il n'en va aucunement du niveau supérieur, c'est-à-dire celui de l'<a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/tag/Union%20europ%C3%A9enne">Union européenne</a>. La majorité de nos lois ne proviennent-elles pas de transpositions de directives européennes ? Aussi, on ne saurait s'abstenir lors de l'élection de la seule institution représentative à cette échelle, le Parlement européen.</p>
<p>Il est vrai que j'ai failli voter aux dernières élections européennes. Non pas que je croie, comme il vient d'être objecté, à un quelconque regain d'importance du vote à ce niveau, mais de manière purement intéressée : pour avoir davantage de députés qui soutiendraient les propositions que je défends quant aux libertés sur Internet. Et puis, finalement, non. Cet intérêt particulier, quand bien même il me tient à cœur, ne suffit pas à compenser l'immense effondrement démocratique que constitue la construction de l'Union européenne, la confiscation sans précédent de souveraineté populaire qu'elle représente sans jamais avoir restauré cette souveraineté populaire à l'échelon supérieur, le mécanisme de blanchiment politique – que j'ai déjà <a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/post/2013/10/07/La-fabrique-de-la-loi">détaillé</a> – opéré par le Conseil, qui en fin de compte impose sa politique au reste des institutions, avec un Parlement – caution « démocratique » facile d'un système qui a tout d'a-démocratique – dont le seul pouvoir – même s'il est précieux – n'est que de rejeter au coup par coup certaines dispositions – et encore ! au prix d'efforts gigantesques de mobilisation citoyenne, seuls à même d'infléchir dans certains cas les forces d'inertie de ce Parlement, préoccupé avant tout, comme toute chose selon <a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/tag/Spinoza">Spinoza</a>, par l'effort pour persévérer dans son être. Non, le contexte européen donne lui aussi toutes les raisons de s'abstenir.</p>
<h3>Ne plus légitimer</h3>
<p>Le second type d'objections à l'abstention que j'ai rencontré s'escrimait dans le registre de la peur. Celle, bien entendu, que « comme chacun sait, en t'abstenant, tu favorises la droite, tu fais monter l'extrême droite, tu mets en péril le barrage qui doit être fait contre <a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/tag/Sarkozy">Sarkozy</a>, etc. ». À cela il faut répondre fermement que ce sont précisément les politiques des candidats pour lesquelles ces objections demandent au final de voter – jusqu'à cette absurdité de « vote utile » enlevant au vote toute once de légitimité qui aurait pu lui rester – qui <em>en première instance</em> sont responsables de ce qu'elles dénoncent. La reprise des thèmes du Front national par la droite de gouvernement pendant plus de dix ans, au point qu'il existe plus de proximité entre certaines branches de l'UMP et le FN qu'au sein même des factions faisant partie de l'UMP. L'acceptation par le PS et ses alliés du cadre capitaliste de la mondialisation néo-libérale, au point qu'il convient depuis longtemps de ne plus qualifier « de gauche » ce « parti socialiste au socialisme parti » – la formule est de <a href="http://www.telerama.fr/idees/presidentielle-j-51-la-campagne-vue-par-frederic-lordon,78502.php">Frédéric Lordon</a>. L'abandon de toute perspective au-delà du capitalisme, y compris par les partis se réclamant anti-capitalistes, au point que la défense du travail et la répartition des richesses produites selon le mode capitalisme semble être le seul horizon indépassable auquel il faudrait rêver. C'est tout ceci qui a favorisé la droite, fait monté l'extrême droite, porté Sarkozy au pouvoir, etc. On voit mal comment, pour combattre ces effets, le vote en faveur des causes ayant produit les conditions pour qu'ils adviennent serait plus efficace que l'abstention ? Pour reprendre une évidence <a href="http://www.palim-psao.fr/article-not-in-my-name-par-anselm-jappe-101646800.html">rappelée</a> par<a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Anselm_Jappe" hreflang="fr">Anselm Jappe</a> : jamais un vote n'a empêché Hitler d'arriver au pouvoir. Non, ce sont les politiques que l'on mène qui peuvent faire barrage au fascisme et contrecarrer les rapports de domination capitaliste. Et force est de constaté que celles menés par tous ceux qui se présentent au jeu électoral ont prouvé avoir les effets inverses. Voter revient ainsi à cautionner ce que l'on souhaite combattre.</p>
<p>Pire, si l'on considère l'évolution parallèle du vote et du capitalisme. Comme le <a href="http://www.palim-psao.fr/article-de-l-homme-considere-comme-un-etre-pour-le-vote-par-gerard-briche-101642302.html">montre</a> Gérard <a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/tag/Briche">Briche</a> :</p>
<blockquote><p>La constitution des hommes en sujets libres, clamée par la Déclaration des droits de l'homme (1789), fut donc aussi (fut d'abord ?) leur constitution en sujets libres de disposer de leurs ressources productives, et donc, dans le cas de ceux qui ne possèdent qu'une puissance de travail, libres de la vendre. Le travailleur était, face au marché, un individu abstrait de toutes ses qualités particulières (sexe, âge, origine, richesse…), une abstraction réelle dont la seule réalité était d'avoir quelque chose à vendre (ou à acheter), bref : un sujet économique.</p>
<p>
Dans le même mouvement, le citoyen était, face aux décisions politiques, abstrait de toutes ses qualités particulières. L'égalité démocratique ne les prend pas en compte, et ne considère le citoyen que comme le sujet d'une volonté politique abstraite, réputée libre, et qui doit s'exprimer par le vote (« un homme, une voix »). Ainsi, le principe démocratique redouble l'invention du sujet économique par l'invention du sujet politique ; l'être-pour-le-travail est redoublé par un être-pour-le-vote.</p>
<p>
L'émergence du sujet politique n'est que l'autre face de la constitution du sujet économique, et manifeste le « remodelage » moderne des individus. Ce « remodelage » est effectué sous la domination d'un principe devenu, après la Révolution, principe social : le principe bourgeois du marché, où se rencontrent, d'une manière réputée libre, des individus réduits à des abstractions. Des individus qui, dans le domaine économique, se reconnaissent sous la forme de marchandises, et qui, dans le domaine politique, se reconnaissent sous la forme de bulletin de vote. Dans l'un comme dans l'autre cas, il n'y a que la manifestation du fétichisme d'une société dominée par les abstractions d'un spectacle omniprésent.</p></blockquote>
<p>Ce n'est pas pour rien qu'<a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/tag/Hazan">Hazan</a> et <a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/tag/Kamo">Kamo</a>, dans <em>Première mesures révolutionnaires</em>, <a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/post/2013/11/12/Premieres-mesures-revolutionnaires-on-a-raison-de-se-revolter">ont nommé</a> « capitalisme démocratique » l'ennemi à combattre. L'État, démocratiquement élu, est la forme de gouvernement la plus <a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/post/2013/07/25/Le-poids-de-l-ordre-social-voltairien">adéquate</a> au développement du capitalisme. L'élection donne au capitalisme une légitimité le mettant à l'abri de toute contestation – rendue par voie de conséquence illégitime – et offre aux catégories fondamentales historiquement déterminées sur lesquelles ils se base, une apparence naturelle. Puisque c'est le peuple qui s'est exprimé et qui l'a voulu, il apparaît naturel de devoir travailler pour gagner un salaire – naturellement sous forme d'argent – à même de satisfaire ses besoins, que la division du travail – toute aussi naturelle – a contraint à devoir passer par l'achat de marchandises – forme évidemment naturelle – en toutes sortes.</p>
<p>Le vote représente donc sous cet angle un moyen de légitimer le capitalisme. Au point que la notion de « citoyen » se confond avec la soumission de quelqu'un qui périodiquement va gentiment voter et entre deux élections retourne travailler au sein du système de production capitaliste.</p>
<h3>S'abstenir comme moyen de lutte</h3>
<p>D'où il suit logiquement que ne pas voter peut être considéré comme un moyen d'opposition au capitalisme. Moyen insuffisant, j'en conviens volontiers. Mais moyen tout de même ! Et à portée de main, dont il devient idiot de ne pas se saisir. Ne pas voter est en effet un moyen direct d'affirmer ne plus vouloir de ce système, d'affirmer que l'on ne considère plus que les institutions pour lesquelles on nous demande de voter sont légitimes pour décider de nos vies. Nous pouvons très bien nous passer d'elles et c'est précisément ce que nous voulons en refusant de participer à leurs <a href="http://www.palim-psao.fr/article-le-vote-par-bernard-charbonneau-102330081.html">messes électorales</a>.</p>
<p>À ce point, il convient de faire une remarque à propos des votes blancs et nuls. Avant de m'abstenir, j'ai souvent voté nul, en griffonnant des messages sur les bulletins de votes, manifestant ma désapprobation du choix qui m'était proposé – avec au moins la satisfaction de provoquer un quelconque affect chez la personne qui dépouillerait mes bulletins. Mais c'était encore accepter que je puisse faire un choix dans le cadre électoral. C'était ne pas voir que tout choix proposé dans ce cadre s'inscrit nécessairement dans un maintien de l'ordre social que je souhaite pourtant combattre. Il va sans dire que cette insuffisance s'amplifie dans le vote blanc. Les revendications pour que celui-ci soit pris en compte ont cette cécité poussant à persister dans une action dont le ridicule est cependant apparent. Demander la prise en compte du vote blanc n'a en effet d'autre fondement que de demander la reconnaissance de la part d'une institution – le vote – qu'il convient de dénoncer. Voter blanc, c'est finalement se satisfaire du système marketing de vote en se plaignant seulement que les marchandises proposées ne sont pas à son goût.</p>
<p>Alors que l'abstention constitue une véritable opposition à ce système en ce qu'elle le refuse activement. Et elle aura d'autant plus d'effet qu'elle sera massive. À partir de combien de pourcentage d'abstention, les élus auront encore l'audace de prétendre représenter quelqu'un ? J'avoue ne pas me faire trop d'illusions à ce sujet, si le scrupule avait été un affect déterminant chez tous ceux qui se présentent encore au jeu électoral, il y aurait longtemps qu'aucun candidat majeur n'aurait plus osé concourir. Il n'empêche qu'une abstention massive aurait sans aucun doute une force de signal. Et si ce signal n'est pas dirigé vers les instances gouvernantes s'accrochant à la mascarade électorale, il pourrait au moins l'être vers <a href="https://collectiflieuxcommuns.fr/spip/191-pour-une-abstention-active-aux">ceux</a> qui souhaitent dénier toute légitimité à l'ordre politique et social actuel.</p>
<p>En vérité, l'abstention est sociologiquement la marque d'une <a href="http://www.revue-pouvoirs.fr/IMG/pdf/120Pouvoirs_p43-55_L_abstention.pdf">vitalité politique</a> dont il ne faut pas sous-estimer la puissance. Toute institution tire sa légitimité de ceux qui l'ont fait ; mais ceux-ci peuvent très bien en sens inverse la défaire. Ne plus donner sa voix, ne plus participer au spectacle, ne plus légitimer les institutions qui tirent toute légitimité de l'élection, est le moyen le plus immédiat d'exprimer son <a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/post/2014/01/03/Pour-en-finir-avec-le-desir-de-travail">indignation</a> envers ces institutions. Et par là d'appeler à leur renversement.</p>
<p>Voter tue ainsi toute idée véritable de renversement de l'ordre social actuel. Voter tue tout espoir d'<a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/tag/insurrection">insurrection</a> contre cet ordre opprimant. Voter tue l'idée même de <a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/tag/d%C3%A9mocratie">démocratie</a>, considérée comme la prise de décision par les citoyens sur la conduite de leur propre vie sociale. Voter tue celui-là même qui fait acte de vote, en ce qu'il abandonne par ce geste toute volonté de se réaliser pleinement, hors des structures aliénantes et fétichisantes du capitalisme.</p>https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/post/2014/08/11/Voter-tue#comment-formhttps://pascontent.sedrati.xyz/index.php/feed/atom/comments/25La fabrique de la loiurn:md5:02102fd8a4869917bf0d60819d9982752013-10-07T19:14:00+02:002016-07-08T22:39:03+02:00gibusInsurrectionAssemblée nationaleblanchiment politiqueinitiative citoyenne européenneloiParlement européenrevenu de base inconditionnelUnion européenne<blockquote><p>Les questions juridiques, on s'en fiche, on a des juristes pour les régler !</p></blockquote>
<p>C'est ainsi que m'a interrompu la députée socialiste du Nord, Audrey Linkenheld, lors d'une <a href="https://www.unitary-patent.eu/fr/content/desunion-et-anti-europeanisme-de-lunion-europeenne-avec-le-brevet-unitaire">audition</a> où j'expliquais aux deux rapporteurs de l'Assemblée nationale les problèmes, tant juridiques que politiques, suscités par un projet de règlement instituant un brevet unitaire, alors en cours de discussion au Parlement européen. Je ne sais si elle mentait par ignorance ou tartuferie, mais quoi qu'il en soit, on ne peut se tromper davantage !</p>
<p>Car lorsqu'il s'agit de la fabrique de la loi, mes années d'<a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/pages/A-propos-de-l-auteur">activisme</a> pour la défense des libertés informationnelles m'ont appris que la compréhension des problèmes et des textes juridiques sont un élément essentiel permettant d’appréhender l’imposition de rapports de domination et de lutter contre. Je n'ai pas la prétention de me prendre pour un juriste, je n'ai fait aucune étude de droit. J'ai cependant acquis avec l'expérience une certaine capacité d'analyse des textes de loi, à débusquer les failles juridiques – capacité assez voisine de celle enseignée par ma formation scientifique pour chasser les bugs dans un code informatique – et à intervenir dans le processus d'élaboration de la loi afin de l'infléchir.</p>
<p>Ceci est à la portée de tout citoyen. Et c'est même un devoir dans une société reposant prétendument sur la démocratie représentative – pour peu que cette expression ne soit un oxymore, j'aurai sans doute l'occasion d'y revenir – de ne pas perdre de vue le contrôle du pouvoir octroyé à nos représentants d'organiser par la loi les règles de vie dans cette société. Je vous propose donc dans ce billet de partager cette expérience de la fabrique de la loi.</p> <p><a href="https://pascontent.sedrati.xyz/public/loi_ue.png" title="loi_ue.png"><img src="https://pascontent.sedrati.xyz/public/.loi_ue_t.jpg" alt="loi_ue.png" style="float:left; margin: 0 1em 1em 0;" title="loi_ue.png, sept. 2013" /></a><a href="https://pascontent.sedrati.xyz/public/loi_fr.png" title="loi_fr.png"><img src="https://pascontent.sedrati.xyz/public/.loi_fr_t.jpg" alt="loi_fr.png" style="float:right; margin: 0 0 1em 1em;" title="loi_fr.png, sept. 2013" /></a>Je ne vais pas faire un long exposé théorique expliquant dogmatiquement les différentes étapes d'élaboration d'une loi. Ces informations peuvent facilement être trouvées, ne serait-ce que sur les sites institutionnels, tant au niveau français, qu'européen. Les choses sont d'ailleurs on ne peut plus simples. Le pouvoir législatif, en France comme dans l'Union européenne, est réparti entre deux chambres – <a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/tag/Assembl%C3%A9e%20nationale">Assemblée nationale</a> et Sénat en France, <a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/tag/Parlement%20europ%C3%A9en">Parlement européen</a> et Conseil (regroupant les ministres des États membres selon le sujet traité) de l'Union européenne pour l'UE – qui doivent s'entendre sur exactement le même texte pour qu'il soit adopté, ce qui donne lieu à plusieurs lectures jusqu'à parvenir à un accord et à chaque lecture les législateurs peuvent proposer des amendements afin de modifier le texte en cours de discussion. Voilà une phrase suffit !</p>
<p>Il est beaucoup plus intéressant de comprendre concrètement comment s'élabore la <a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/tag/loi">loi</a>. Et pour ce faire, rien de tel que de suivre les discussions autour d'un texte particulier. C'est ce que j'ai pu faire durant ces dix dernières années à propos de divers textes juridiques de natures aussi variées que des traités internationaux, des règlements et des directives européens, des lois françaises en tant que telles ou transposant une directive de l'UE, des ordonnances, des décrets gouvernementaux ou des arrêtés préfectoraux, des circulaires ministérielles, ainsi que des résolutions ou des déclarations écrites du Parlement européen ou des questions écrites de députés français ou européens au pouvoir exécutif, sans oublier évidemment d'innombrables notices de brevets.</p>
<h3>Oui mais quelle loi au juste ?</h3>
<p>L'ordre dans lequel je viens de citer ces différents types de textes juridiques est important. Il existe en effet ce que l'on appelle une <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Hi%C3%A9rarchie_des_normes" hreflang="fr">hiérarchie des normes</a>, consistant en ce qu'une norme juridique n'est valide que si elle se conforme à une norme supérieure. <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Hi%C3%A9rarchie_des_normes_en_droit_fran%C3%A7ais" hreflang="fr">En droit français</a>, cela se traduit, entre autres, par le fait qu'une loi votée par le Parlement – c'est-à-dire par l'Assemblée nationale et le Sénat – ne peut contrevenir à la Constitution, de même que le gouvernement ne peut prendre de décret que si une loi adoptée par le Parlement l'y autorise. On peut ainsi schématiser cette hiérarchie des normes en posant que la Constitution en occupe le sommet, puis, par ordre décroissant d'importance : les traités internationaux, les normes de l'Union européenne, les lois organiques, les lois ordinaires, les ordonnances, les décrets, les arrêtés et enfin les circulaires et directives administratives.</p>
<p>La conséquence pratique de cette hiérarchie des normes est qu'il est quasiment impossible d'imposer une norme d'ordre inférieur si cela contrevient à une norme existante d'ordre supérieur et, inversement, il est tout aussi improbable de lutter contre une norme d'ordre inférieure imposée pour se conformer à une norme supérieure existante. Ainsi, lutter contre un décret dont le cadre a été défini par une loi promulguée s'avère le plus souvent vain.</p>
<p>Mais c'est au point de collision des droits interne et international que cette conséquence de la hiérarchie des normes révèle le caractère <em>a-démocratique</em> de la fabrique de la loi. C'est au sein de cette friction que le principe fondamental de séparation des pouvoirs s'évapore dans une fumée dont la noirceur dissimule ce qu'il convient d'appeler un <a href="http://www.laquadrature.net/fr/comment-la-presidence-francaise-dissimule-un-blanchiment-politique-a-linterieur-du-paquet-telecom-eu">blanchiment politique</a>.</p>
<p>Il faut ici nous expliquer et mettre un peu de lumière sur ce qui vient d'être dénoncé. Tout s'éclaire en effet dès que l'on comprend que le droit international public ne fabrique pas directement de lois s'appliquant aux citoyens. Non, il faut plutôt voir que ces accords internationaux, traités, pactes, chartes, protocoles et conventions relèvent davantage – les juristes comprendront cette simplification – du droit des contrats. Car ils engagent, non pas le peuple, mais les États entre eux. C'est à dire que ce sont généralement les chefs du pouvoir exécutif qui, au nom des nations qu'ils représentent, définissent des obligations à respecter vis-à-vis d'autres nations.</p>
<p>Certes ces engagements au niveau international peuvent ensuite se traduire par des obligations de les ratifier ou de les transposer en droit interne – c'est-à-dire que le pouvoir législatif reprend tout de même son rôle dans la fabrique de la loi – mais l'orientation générale et le cadre même des dispositions juridiques en résultant – qui s'imposent cette fois-ci à tout citoyen – restent définis par l'exécutif. Et c'est là que le crime contre la séparation des pouvoirs se commet ! Le pouvoir exécutif est en effet en mesure, par le biais des accords internationaux, d'imposer au pouvoir législatif des mesures que ce dernier aurait pu refuser au nom des citoyens qu'il représente si les même dispositions avaient été soumises au processus ordinaire de fabrication de la loi interne.</p>
<p>Combien de fois n'a-t-on pas entendu un président ou un ministre intimer le parlement de voter une loi parce qu'elle était imposée à la France par tel ou tel traité, en particulier et le plus souvent par l'Europe ? Car l'<a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/tag/Union%20europ%C3%A9enne">Union européenne</a> est toute entière construite sur ce mécanisme de <a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/tag/blanchiment%20politique">blanchiment politique</a>. Les « lois européennes » sont en effet votées par les représentants des exécutifs des États membres. Dans certains domaines par eux seuls. Dans d'autres, en co-décision avec le Parlement européen. Parfois ces « lois de l'UE », lorsqu'elles sont des directives, doivent être transposées dans les droits internes des États membres. D'autres fois, lorsque ce sont des règlements, elles s'appliquent directement dans tous les pays européens. Ce qui importe ici, c'est que dans tous les cas, ces lois auront été décidées par les pouvoirs exécutifs des États qui se sont travestis en pouvoir législatif au niveau européen.</p>
<p>Et la hiérarchie des normes vient ici imposer au pouvoir législatif et à l'autorité judiciaire ordinaires des décisions prises par un pouvoir législatif d'ordre supérieur. Mais quel est ce législateur prétendument <em>supérieur</em> ? Ôtons-lui son déguisement ! défroquons-le ! et nous n'y trouverons que le pouvoir exécutif que ces mêmes pouvoir législatif et autorité judiciaire ordinaires sont censés contre-balancer.</p>
<h3>Et la loi voulue par qui déjà ?</h3>
<p>Pourtant l'étendue de ce pouvoir exécutif, sans même évoquer cet ignoble blanchissement politique, est déjà suffisamment immense. L'une des principales causes de la puissance surdimensionnée de l'exécutif tient dans le quasi-monopole qu'il détient quant à l'initiative de la loi.</p>
<p>Il existe des pays dans lesquels les organes législatifs peuvent effectivement exercer un réel pouvoir dans la fabrique de la loi. J'ai ainsi été témoin d'<a href="http://www.ffii.fr/Le-parlement-neerlandais-oblige-le">instructions</a> données par le parlement néerlandais à son gouvernement sur les mesures qu'il pourrait ou non accepter dans un prochain Conseil de l'Union européenne. J'ai pu constater qu'une <a href="http://www.ffii.fr/A-l-unanimite-le-Bundestag-dit-Non-aux-brevets-logiciels">résolution</a> votée par le Bundestag allemand, bien que non contraignante juridiquement, pouvait avoir un poids politique certain sur l'élaboration d'une directive européenne. Personne n'ignore non plus le pouvoir d'initiative citoyenne existant en Suisse, via les fameuses <em><a href="https://www.ch.ch/fr/votations/">votations</a></em>, ni qu'en Italie, la chute de Berlusconni <a href="http://www.arretsurimages.net/breves/2011-06-14/Defaite-de-Berlusconi-twitter-contre-la-tele-id11421">a été précipitée</a> par des référendums, là aussi d'initiative populaire.</p>
<p>Toutefois, il s'agit là d'exceptions qui n'ont en tout cas aucune chance de se produire en France ou au niveau de l'Union européenne. Au sein de cette dernière, la Commission – bras exécutif de l'UE – a seule le pouvoir de proposer des lois. Certes le Parlement européen peut, dans une résolution, inviter la Commission à présenter une réglementation. Mais rien n'oblige cette dernière à le faire. Elle n'hésite pas d'ailleurs à <a href="http://www.ffii.fr/La-Commission-ne-redemarrera-pas">balayer</a> d'un revers de main ces simples suggestions du Parlement, quand bien même elles sont demandées avec insistance et à l'unanimité des parlementaires. Il en va de même de l'<a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/tag/initiative%20citoyenne%20europ%C3%A9enne">initiative citoyenne européenne</a>, mise en place par le Traité de Lisbonne et en vigueur depuis le 1<sup>er</sup> avril 2012. Celle-ci est officiellement <a href="http://ec.europa.eu/citizens-initiative">présentée</a> comme <q>une <em>invitation</em> faite à la Commission européenne de présenter une proposition législative</q> sous conditions d'<q>être soutenue par au moins un million de citoyens européens issus d'au moins 7 pays sur les 28 que compte l'Union</q>.</p>
<p>Comment penser une seule seconde que si cette invitation déplaît à la Commission, cette dernière y donnera tout de même suite ? Il est certes trop tôt pour que les faits confirment ce pessimisme quant à la réelle efficacité de ce mécanisme permettant directement aux citoyens d'orienter la fabrique de la loi : 18 mois après son entrée en vigueur, aucune initiative citoyenne européenne n'a seulement <a href="http://ec.europa.eu/citizens-initiative/public/initiatives/finalised/submitted">été présentée</a> à la Commission, 17 sont en cours de collecte de signatures, 6 ont été retirées – en l'absence d'explication sur ces retraits, on peut penser que les organisateurs ne pensaient plus recueillir un nombre suffisant de soutiens – et 12 ont été refusées – car portant sur des actes juridiques que l'Union européenne n'est pas compétente à adopter selon les traités de l'UE. Toutefois, on voit mal ce qui pousserait la Commission à proposer une législation sortant de ses propres objectifs, alors qu'elle ne le fait déjà pas suite à une demande officielle du Parlement, censé représenter les citoyens européens. Il sera cependant intéressant d'observer quelle sera la réaction de la Commission si l'une des proposition en cours obtient le nombre nécessaire de signatures.</p>
<p>Aussi, je vous encourage vivement à <a href="http://basicincome2013.eu/ubi/fr/signer-initiative/">signer</a> l'initiative pour le <a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/tag/revenu%20de%20base%20inconditionnel">revenu de base inconditionnel</a> – sujet sur lequel je ne manquerai pas de revenir dans un prochain billet, mais pour l'instant il s'agit de s'assurer qu'une initiative citoyenne européenne puisse être examinée par la Commission et quelle suite juridique donnera cette dernière à la proposition lorsque celle-ci n'entre manifestement pas dans la politique conduite ou envisagée par l'exécutif européen.</p>
<p>En France, l'initiative législative est théoriquement partagée entre les pouvoir exécutif et législatif, l'<a href="http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/la-constitution/la-constitution-du-4-octobre-1958/texte-integral-de-la-constitution-du-4-octobre-1958-en-vigueur.5074.html">article 39</a> de la Constitution disposant que l'<q>'initiative des lois appartient concurremment au Premier ministre et aux membres du Parlement</q>. En pratique, l'initiative appartient quasi exclusivement au gouvernement. Durant la présente législature et les deux précédentes, 84%<sup>[<a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/post/2013/10/07/La-fabrique-de-la-loi#wiki-footnote-1" id="rev-wiki-footnote-1">1</a>]</sup> des lois promulguées sont issues de projets de loi – c'est-à-dire initiées par le pouvoir exécutif. Et dans les 16% de propositions de loi – initiées par des parlementaires – on <a href="http://authueil.org/?2009/04/27/1312-de-mieux-en-mieux">sait</a> que nombre d'entre elles ne sont que des déguisements d'origine gouvernementale. Quant aux propositions de loi déposées par des parlementaires de l'opposition, elles n'ont tout d'abord qu'une maigre chance d'être mises à l'ordre du jour, celui-ci étant partagé depuis <a href="http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexteArticle.do?cidTexte=JORFTEXT000000571356&idArticle=LEGIARTI000019241057">la réforme constitutionnelle de 2008</a><sup>[<a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/post/2013/10/07/La-fabrique-de-la-loi#wiki-footnote-2" id="rev-wiki-footnote-2">2</a>]</sup> entre deux semaines sur quatre réservées au gouvernement, une semaine dévolue au contrôle de l'action du gouvernement et à l'évaluation des politiques publiques, le reste pouvant être mis à profit pour débattre et voter les propositions de loi des parlementaires, en laissant gracieusement un jour par mois à celles des groupes d'opposition. Bien entendu, on trouve ce jour-là, suffisamment de <a href="http://www.deputesgodillots.info/">députés godillots</a> pour rejeter les textes, qu'importe leur contenu, puisqu'ils viennent de l'opposition.</p>
<p>Nul besoin de s'étendre sur l'initiative législative citoyenne en France : elle n'existe tout bonnement pas ! La réforme constitutionnelle de 2008 a bien introduit à <a href="http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/la-constitution/la-constitution-du-4-octobre-1958/texte-integral-de-la-constitution-du-4-octobre-1958-en-vigueur.5074.html">l'article 11 de la Constitution</a> la possibilité d'un « référendum d'initiative partagée ». Mais un tel référendum nécessite en fait qu'une proposition de loi soit déposée par au moins un cinquième des parlementaires, soutenu par un dixième des électeurs. On ne peut manquer de <a href="http://blogs.mediapart.fr/blog/bastien-francois/290508/vous-avez-dit-referendum-d-initiative-populaire">remarquer</a> que ce mécanisme est au mieux inefficient, au pire rien de moins qu'une manifestation d<em>'<a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Wikip%C3%A9dia:Pastiches/Foutage_de_gueule">oris fututio</a></em>. On ne voit pas bien ce qui pousserait des citoyens à tenter d'utiliser cette disposition parsemant d'écueils l'aboutissement d'une mesure législative plutôt que de faire directement pression sur leurs députés en vue d'imposer une proposition de loi ou un amendement à un texte en discussion.</p>
<p>Au terme de cette section, il apparaît que la voie de l'initiative législative, tant au niveau national qu'européen, ne semble pas constituer pour les citoyens un moyen d'action susceptible de modifier – encore moins de renverser – l'ordre social établi. Alors que la <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9mocratie" hreflang="fr">démocratie</a> se prétend être le « gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple » s'exerçant de manière civilisée par le biais de la loi, force est de constater que le peuple est dans l'impossibilité quasi insurmontable de proposer directement des lois.</p>
<h3>Alors peut-on fabriquer la loi ?</h3>
<p>Il serait erroné de croire que cette impuissance à proposer directement des lois condamne le citoyen à ne pouvoir en aucune façon influer sur la fabrique de la loi. J'en ai à plusieurs reprises fait l'expérience : l'action citoyenne peut s'insérer dans ce mécanisme d'apparence verrouillée qu'est l'élaboration législative car celle-ci n'est en réalité pas sans failles.</p>
<p>Le 24 septembre 2003, le Parlement européen votait en première lecture des amendements proposés par des citoyens à une directive sur les brevets logiciels qui interdisaient de fait ces derniers, retournant totalement la proposition initiale de la Commission qui visait à les légitimer. Commission et Conseil de l'UE avaient par la suite refusé ce retournement parlementaire obtenu par la pression citoyenne et avaient rétabli, et même renforcé, l'orientation initiale du texte. Mais le 6 juillet 2005, en seconde lecture, le Parlement relayait le mécontentement citoyen et refusait cette mainmise de l'exécutif en rejetant purement et simplement la directive. Ainsi une mesure législative contraignante, si elle n'a pas pu au final être renversée, a pu tout au moins ne pas devenir texte de loi. Et ceci grâce à l'action citoyenne et au travail citoyen avec les eurodéputés.</p>
<p>Le 21 décembre 2005, lors de l'examen en première et unique lecture à l'Assemblée nationale de la loi sur les droits d'auteur et les droits voisins dans la société de l'information – DADVSI – transposant la directive européenne sur les droits d'auteur – EUCD –, les députés votent à la surprise générale un double amendement d'origine citoyenne – déposé d'une part par l'opposition et d'autre part par un député de la majorité – autorisant le téléchargement d'œuvres sur Internet, alors que le texte initial avait justement pour but d'empêcher ces pratiques. Je ne reviendrai pas ici sur l'ensemble des cafouillages qui s'en suivirent, les détails croustillants sont exposés <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Chronologie_de_la_loi_DADVSI#D.C3.A9roulement_des_d.C3.A9bats">ailleurs</a>. Un épisode mérite cependant d'être relaté dans ce billet. Alors que le gouvernement, après bien des retournements, était arrivé à faire voter l'ensemble des articles du projet de loi, parvenant à faire refuser tout amendement déviant un tant soit peu du texte, un député de la majorité demanda dans la nuit du 16 mars 2006, à deux heures du matin, alors que l'hémicycle ne comptait plus que six ou sept députés, à ce qu'il soit procédé à une seconde délibération sur un article crucial de la loi. Lors de cette seconde délibération, les dispositions essentielles demandées par des collectifs de citoyens purent être adoptées à l'unanimité de la poignée de députés de tout bord encore présents à cette heure tardive. À la suite de l'examen au Sénat, puis en commission mixte paritaire – réunissant un nombre égal de députés et sénateur afin de parvenir à un texte commun qui doit ensuite être avalisé par les deux assemblées – ces dispositions ont été balayées. Cependant l'action citoyenne est parvenue dans ce débat à faire émerger des questions fondamentales au sein d'un débat à l'apparence technique. Et, même si au final, le texte ne retiendra quasiment aucune des propositions dont nous étions à l'origine – contrairement à un amendement particulièrement attentatoire aux libertés proposés par les lobbies des industries du divertissement – la loi DADVSI aura été entachée à jamais et n'a d'ailleurs jamais été appliquée.</p>
<p>Les péripéties rencontrées par la <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_Cr%C3%A9ation_et_Internet" hreflang="fr">loi Hadopi</a> durant son élaboration nécessiteraient un billet à elles seules – ce que j'ai déjà relaté <a href="http://www.laquadrature.net/fr/qui-a-gagne-la-bataille-hadopi">ailleurs</a>. Je souhaiterais toutefois aborder ici l'articulation entre cette loi purement nationale et les débats qui se sont joués simultanément au niveau européen. En effet, dès les premières moutures du projet de loi qui allait accoucher quelques mois plus tard d'Hadopi, ses architectes avaient tenté d'en valider le principe à l'occasion de discussions sur un ensemble de directives portant sur le droit des télécommunications en Europe : le « paquet télécom ». On le sait, la loi Hadopi visait à punir le téléchargement d'œuvres culturelles sur Internet, en le sanctionnant de manière automatique par une autorité administrative, évitant ainsi la contrainte de passer par la case « justice », frein évident pour mettre un terme à une pratique de masse. Ce contournement de la procédure judiciaire <a href="http://www.laquadrature.net/fr/la-riposte-graduee-est-deja-illegale-en-europe">est vite apparu</a> contraire aux libertés fondamentales – liberté d'expression, droit à un procès équitable. Aussi, les promoteurs de la loi Hadopi ont tenté d'introduire dans le paquet télécom des amendements légitimant la condamnation automatique des atteintes en ligne aux droits d'auteur. Cependant, lors de sa première lecture le 24 septembre 2008, le Parlement européen votait un amendement d'origine citoyenne – le fameux <a href="https://www.laquadrature.net/wiki/Story_of_Anti-3-Strikes_Amendments">amendement 138</a> – rappelant avec force qu'une coupure de l'accès Internet, constituant une ingérence dans l'exercice de la liberté d'expression, ne pouvait être décidée que par l'autorité judiciaire. La France a fait pression au plus haut niveau pour que le Conseil de l'UE rejette cet amendement. Il a donc fallu aux citoyens <a href="http://www.laquadrature.net/fr/paquet-telecom-langoisse-du-rapporteur-au-moment-du-penalty">se battre avec détermination</a> pour que cet amendement survive à une seconde lecture du Parlement, dont les rapporteurs étaient plus enclins à conclure un accord avec le Conseil afin de faire aboutir ce texte, que de se préoccuper de son contenu. C'est ainsi que le 6 mai 2009, un amendement dit « de compromis », vidant de sa substance les valeurs portées par l'amendement 138, devait être voté avant ce dernier, rendant ainsi caduque son examen. Mais l'action citoyenne a finalement réussi à convaincre une majorité d’eurodéputés de tout bord, parmi lesquels le groupe centriste libéral dont l'une des membres allait présider la séance plénière durant laquelle devait avoir lieu le vote. Celle-ci, appliquant à la lettre le règlement intérieur du Parlement européen, a finalement mis au vote l'amendement 138 en premier, qui fut – ô surprise – accepté à une large majorité. Et c'est dans ce climat qu'un mois plus tard, le Conseil constitutionnel français <a href="http://www.laquadrature.net/fr/hadopi-le-conseil-constitutionnel-censure-la-riposte-graduee">décapitait</a> la loi Hadopi, invoquant pour cette censure les arguments mêmes portés par les citoyens à travers l'amendement 138 européen.</p>
<h3>Conclusion : l'indispensable appropriation citoyenne de la loi</h3>
<p>À partir de ces expériences d'influence citoyenne sur l'élaboration de la loi, plusieurs enseignements peuvent être tirés. J'aimerais donner ici ces conclusions de manière peut-être quelque peu brute, dans le sens où je ne développerai pas longuement chacune d'entre elles, mais je suis tout à fait disposé à les approfondir en répondant aux éventuels commentaires…</p>
<ol>
<li>La loi est avant tout, dans le contexte des « démocraties civilisées » occidentales, l'arme privilégiée permettant d'imposer le maintien de l'ordre social établi et d'en accroître les inégalités.</li>
<li>Il en découle d'une part qu'il est d'extrême importance pour tout citoyen de suivre et contrôler la fabrique de la loi.</li>
<li>Dans nos systèmes de démocratie représentative, l'intervention des citoyens dans la fabrique de la loi passe nécessairement par l'obligation de convaincre leurs représentants élus.</li>
<li>Il n'est possible pour le citoyen d'influer sur la fabrique de la loi que si les positions des diverses forces politiques parlementaires se trouvent dans des configurations précises – qui ne constituent certes pas des conditions cumulativement nécessaires, mais dont l'absence de la moindre d'entre elles diminue les chances d'efficacité de l'action citoyenne :
<ol style="list-style-type: lower-alpha">
<li>le principal groupe d'opposition doit être effectivement majoritairement opposé à la position défendue par le pouvoir en place ;</li>
<li>les parlementaires de la majorité doivent au mieux être divisés et au moins comporter en leur sein un nombre critique d'opposants influents ;</li>
<li>s'il existe un groupe centriste capable de faire basculer la loi d'un côté ou de l'autre, son adhésion doit être emportée ;</li>
<li>il est plus aisé d'obtenir l'adoption d'amendements si ceux-ci, plutôt que de n'être soutenus que par un seul groupe politique, surtout si celui-ci est minoritaire, sont déposés par des députés de différents partis, idéalement si les signataires de ces amendements recouvrent l'intégralité du spectre politique.</li></ol></li>
<li>Il est impératif de connaître chaque instrument juridique pouvant exercer une contrainte sur la fabrique de la loi : bloc de constitutionnalité, conventions, chartes ou accords internationaux, règlements intérieurs des assemblées, etc.</li>
<li>Il découle également du premier point que la loi ne peut être l'instrument d'intervention directe des citoyens pour renverser l'ordre établi.</li>
<div class="footnotes"><h4>Notes</h4>
<p>[<a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/post/2013/10/07/La-fabrique-de-la-loi#rev-wiki-footnote-1" id="wiki-footnote-1">1</a>] Ce pourcentage n'est jamais donné par les rapports de l'Assemblée nationale. Il faut pour chaque législature, aller chercher le nombre de lois promulguées provenant de projets ou de propositions de loi dans les statistiques résumées annuelles. Qui plus est, si ces chiffres sont bien disponibles pour la <a href="http://www.assemblee-nationale.fr/14/seance/statistiques-14leg.asp">14<sup>e</sup> législature</a> en cours et la <a href="http://www.assemblee-nationale.fr/12/seance/statistiques-12leg.asp">12<sup>e</sup> (de juin 2002 à juin 2007)</a>, ainsi que pour les premières années de la <a href="http://www.assemblee-nationale.fr/13/seance/statistiques-13leg.asp">13<sup>e</sup> de juin 2007 à septembre 2011</a>, aucune statistique résumée n'a été produite pour la dernière année du mandat de Nicolas Sarkozy et il faut donc se débrouiller avec les <a href="http://www.assemblee-nationale.fr/13/seance/Ban_stats_2011_2012.pdf">statistiques détaillées</a> pour la période allant d'octobre 2011 à juin 2012.</p>
<p>[<a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/post/2013/10/07/La-fabrique-de-la-loi#rev-wiki-footnote-2" id="wiki-footnote-2">2</a>] Il faut noter qu'avant cette réforme, le pouvoir exécutif avait la <a href="http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexteArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006527527&cidTexte=JORFTEXT000000571356&dateTexte=20090228">totale maîtrise</a> de l'agenda de l'Assemblée nationale, à l'exception d'une unique séance par mois, où la priorité était généreusement donnée à l'ordre du jour fixée par chaque assemblée.</p></div>
https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/post/2013/10/07/La-fabrique-de-la-loi#comment-formhttps://pascontent.sedrati.xyz/index.php/feed/atom/comments/13S'attaquer à la propriétéurn:md5:b462f1ad71ff75743bc71b2231d9367d2013-07-29T16:27:00+02:002015-03-17T15:25:20+01:00gibusInsurrectionConseil constitutionnelDRMGuillemininsurrectionpropriétépropriété intellectuellerapports de dominationRousseauStallmansubprimesTCEUnion européenneVoltaire<p>S'attaquer à la <a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/tag/propri%C3%A9t%C3%A9">propriété</a> est incontournable, puisque c'est cette notion même de « propriété » qui <a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/post/2013/07/25/Le-poids-de-l-ordre-social-voltairien">semble justifier</a> depuis au moins deux siècles et demi les <a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/tag/rapports%20de%20domination">rapports de domination</a> assujettissant la majorité du peuple à être gouvernée par une minorité de possédants.</p>
<p>Mais puis-je moi-même <em>m'attaquer à la propriété</em> ? Ai-je bien les outils pour le faire ? La problématique n'est pas nouvelle et a depuis longtemps été traitée philosophiquement, politiquement, sociologiquement, économiquement, etc. D'une part, je n'ai lu ni Hobbes, ni Locke, ni Marx, ni même Proudhon. Je pense connaître les grands traits de leur pensée en ce qui concerne la propriété, mais sans avoir directement lu leurs écrits, je ne puis que me fier à ce que leurs commentateurs en ont présenté. Or sur un sujet d'une si grande importance, je ne puis faire l'impasse d'une connaissance non-tronquée, si je ne veux commettre d'erreur flagrante de raisonnement. D'autre part, quand bien même aurais-je lu exhaustivement les penseurs qui ont conceptualisé cette notion de propriété, qu'aurais-je à apporter à sa critique qui n'a déjà été soulevé ?</p>
<p>Il se trouve que j'ai été confronté dans mon activisme militant pour les libertés sur Internet à ce que l'on nomme <em>propriété intellectuelle</em>. C'est par ce biais que je peux espérer trouver une réflexion enrichissante me permettant effectivement de m'attaquer à la propriété.</p> <p>Dès que l'on énonce l'expression « <a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/tag/propri%C3%A9t%C3%A9%20intellectuelle">propriété intellectuelle</a> », deux remarques s'imposent. À peine m'étais-je plongé dans la compréhension des problèmes soulevés par les brevets logiciels et dans la lutte pour leur exclusion, que je suis inévitablement tombé sur cette <a href="http://www.gnu.org/philosophy/not-ipr.fr.html">double mise en garde</a> vis-à-vis du terme que <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Richard_Stallman" hreflang="fr">Richard Stallman</a> ne manque de ressasser.</p>
<p>Tout d'abord, <a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/tag/Stallman">Stallman</a> objecte que l'on range sous ce vocable une telle quantité de droits – brevets, droits d'auteur et droits voisins, marques de fabrique ou de commerce, dessins et modèles, certificats complémentaires de protection, certificats d'obtention végétale, appellations d'origine et indications géographiques, noms de domaine, protection des bases de données, topographies de circuits intégrés, etc. – comportant tant de différences les uns avec les autres, que tout discours voulant englober tous ces droits conduit à des généralisations absurdes.</p>
<p>Par ailleurs – et c'est ce qui nous intéresse en premier lieu ici – parler de <em>propriété intellectuelle</em> en ce qui concerne ces droits fort différents les uns des autres insinue une analogie avec les droits de propriété tels qu'on les conçoit ordinairement sur des objets physiques, matériels.</p>
<p>Ces remarques étant posées, je continuerai ici de parler de <em>propriété intellectuelle</em>, sachant le terme impropre, mais m'appuyant justement sur cette analogie trompeuse pour m'attaquer à la propriété.</p>
<p>La première fois que ce terme de <em>propriété intellectuelle</em> m'a frappé de plein fouet fut lorsqu'il a été inscrit dans la Charte des droits fondamentaux de l'<a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/tag/Union%20europ%C3%A9enne">Union européenne</a>, adoptée le 7 décembre 2000 à Nice et destinée à être « constitutionnalisée » dans le <a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/tag/TCE">traité établissant une Constitution pour l'Europe</a>, rejeté par référendum en France et aux Pays-Bas en 2005, jusqu'à ce que l'entrée en vigueur du <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Trait%C3%A9_de_Lisbonne" hreflang="fr">Traité de Lisbonne</a> en 2009 lui confère une valeur juridiquement contraignante. En effet l'<a href="http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:C:2012:326:0391:01:FR:HTML">article 17</a> de cette charte définit ainsi le <em>droit de propriété</em> :</p>
<blockquote><p>1. Toute personne a le droit de jouir de la propriété des biens qu'elle a acquis légalement, de les utiliser, d'en disposer et de les léguer. Nul ne peut être privé de sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique, dans des cas et conditions prévus par une loi et moyennant en temps utile une juste indemnité pour sa perte. L'usage des biens peut être réglementé par la loi dans la mesure nécessaire à l'intérêt général.</p>
<p>
2. La propriété intellectuelle est protégée.</p></blockquote>
<p>C'est bien entendu le second alinéa qui m'a fait tiquer. Cette charte s'attache partout ailleurs à énoncer et définir des droits et libertés censés protéger les citoyens européens. Mais, uniquement dans ce second paragraphe de l'article 17, ces derniers ne sont plus l'objet de l'attention du législateur et on leur substitue cette fiction juridique informe et trompeuse qu'est la <em>propriété intellectuelle</em>. Pourquoi une telle attention ? Qu'est-ce qui peut bien élever la <em>propriété intellectuelle</em> a un statut d'une importance et d'une dignité telle qu'il faille préciser explicitement qu'elle doit être protégée ? Et non pas ceux qui en jouissent, mais elle-même en tant que concept à défendre !</p>
<p>Les explications relatives à la Charte des droits fondamentaux <a href="http://eur-lex.europa.eu/fr/treaties/dat/32007X1214/htm/C2007303FR.01001701.htm">données</a> par le præsidium de la Convention qui a élaboré cette charte fournissaient un indice sibyllin :</p>
<blockquote><p>La protection de la propriété intellectuelle, qui est un des aspects du droit de propriété, fait l'objet d'une mention explicite au paragraphe 2 en raison de son importance croissante et du droit communautaire dérivé.</p></blockquote>
<p>C'est donc, parce que la <em>propriété intellectuelle</em> est une partie intégrante du droit de propriété à l'importance croissante de nos jours, qu'elle mérité ces honneurs. Mais si c'est bien le cas, si la <em>propriété intellectuelle</em> est un aspect de la propriété traditionnelle, physique, matérielle, quel besoin peut-il justement y avoir de distinguer cette partie alors que le tout permet d'ores et déjà à celui qui en jouit de bénéficier d'une protection strictement définie ?</p>
<p>Cette définition du premier alinéa ne m'a d'ailleurs aucunement choqué à l'époque. Il faudra pourtant revenir dessus. Mais convenons pour l'instant que la protection spécifique conférée par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne à la <em>propriété intellectuelle</em>, en tant que telle, nourrit une certaine suspicion quant à l'origine de cet attachement à expliciter la préservation de sa sécurité propre. Quoi ?! la <em>propriété intellectuelle</em> serait un édifice si fragile qu'il faille lui construire un bastion aussi solide qu'un texte primordial sur les droits et libertés fondamentaux ?</p>
<p>Ce même biais forçant à considérer la <em>propriété intellectuelle</em> comme faisant partie intégrante de la propriété au sens large et des droits qu'elle confère, m'est apparu à nouveau un an plus tard dans une décision du Conseil constitutionnel du 27 juillet 2006. Mais pour en saisir la portée, j'aimerais m'égarer à raconter un problème auquel j'ai été confronté il y a à peine quelques jours, soit près de huit ans après cet avis de la plus haute juridiction française.</p>
<p>Ayant <a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/post/2013/07/25/Le-poids-de-l-ordre-social-voltairien">évoqué</a> <a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/tag/Voltaire">Voltaire</a>, je ne pouvais manquer d'évoquer celui que Gavroche lui associe dans son célèbre refrain <q>Je suis tombé par terre / C'est la faute à Voltaire / Le nez dans le ruisseau / C'est la faute à Rousseau</q>. <a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/tag/Rousseau">Rousseau</a> n'est-il pas l<em>'anti-Voltaire</em> par excellence ? Ou plutôt, Rousseau n'est-il pas celui qui a subi une véritable persécution de la part de Voltaire ? Et pourquoi ? Parce que Jean-Jacques Rousseau publiait une vision notamment politique et sociale en confrontation directe avec celle de Voltaire consistant – on ne se lassera jamais de la rappeler – à ce que le petit nombre fasse travailler le grand nombre, soit nourri par lui, et le gouverne. Je n'avais lu jusqu'ici que les <em>Rêveries du promeneur solitaire</em> qui, autant qu'il m'en souvienne, ne fournissent pas grand chose sinon rien à propos d'une conception des rapports de domination. J'avais quelques notions de ce que pouvait être la pensée politique et sociale de Rousseau grâce, une fois encore, aux <a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/post/2013/07/29/">exposés</a> d'Henri <a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/tag/Guillemin">Guillemin</a>. Mais, grâce à <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Judith_Bernard" hreflang="fr">Judith Bernard</a>, chroniqueuse littéraire à <a href="http://www.arretsurimages.net/">Arrêt sur images</a>, je savais qu'avait été récemment publié un livre, <em>Rousseau, citoyen du futur</em> de Jean-Paul Jouary, dont l'objet était précisément cette pensée politique et sociale de Rousseau.</p>
<p>J'ai donc voulu me procurer un exemplaire de ce livre, mais il n'était pas disponible dans ma librairie de quartier, ni dans les quatre ou cinq auxquelles j'avais pu me rendre. La lecture de ce livre étant urgente, je ne me résolvais pas à attendre quelques jours en le commandant. J'ai donc ensuite tenté d'acheter une version électronique de cet ouvrage. Depuis plus de deux ans, je prends en effet un plaisir inattendu à lire sur mon téléphone. Jamais je n'aurais pensé pouvoir me passer du confort de la lecture d'un objet sur papier. Cependant malgré la taille réduite de l'écran de mon téléphone, je dois avouer que lire des ouvrages dématérialisés s'est avéré offrir quantité d'avantages : transport sans surcharge de centaines de livres, possibilité de lire les mains libres et dans l'obscurité, potentiel quasi-infini d'opérer des traitements sur le texte, etc. Bref, j'ai tenté d'acheter <em>Rousseau, citoyen du futur</em> en livre électronique sur Internet.</p>
<p>Seulement, impossible de trouver cet ouvrage dans un format libre de <a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/tag/DRM">DRM</a>. Plus précisément il semble qu'on ne peut se procurer de version électronique de ce livre que sous un format <em>epub protégé par un DRM Adobe</em>. Cela signifie que ce livre est livré sous forme d'un fichier informatique dont tout usage est contrôlé par la société Adobe. Pour le lire, il faudra disposer d'un logiciel proposé par la société Adobe. Je n'ai aucune idée si ce logiciel fonctionne sur mon téléphone portable ou non. Je ne peux apparemment le transférer que six fois sur des appareils équipés du même logiciel. Je ne sais pas non plus s'il me sera loisible d'installer le logiciel adéquat sur mon ordinateur de bureau et de profiter d'une lecture sur son grand écran. Je ne sais pas s'il m'est possible d'imprimer ce fichier pour une lecture lorsque je suis déconnecté de tout appareil électronique. Je ne pense pas pourvoir effectuer le moindre copier-coller d'un extrait de ce livre afin d'en inclure une citation sur ce blog. Je suis quasiment certain de ne pouvoir soumettre tout ou partie du texte à un <a href="http://www.co-ment.com">logiciel</a> permettant de l'annoter. De même il est plus que plausible que je ne puisse effectuer tout traitement informatique sur ce texte numérisé, comme par exemple pour calculer l'occurrence d'un ou de plusieurs mots ou identifier les champs lexicaux employés, etc. Bref, pour acheter ce livre sous la contrainte d'un tel DRM il me faudrait accepter de telles restrictions quant à son usage – jusqu'à douter de pouvoir seulement même le lire – que j'ai du en abandonné l'idée.</p>
<p>J'ai finalement trouvé – grâce à un <a href="http://www.parislibrairies.fr/">site internet</a> mettant en réseau les stocks de diverses librairies parisiennes – une librairie disposant d'un exemplaire et je ne manquerai pas de revenir sur cette lecture bouleversante et stimulante. Mais ce qu'il faut retenir de cette anecdote, c'est qu'en achetant un livre électronique dont l'utilisation est restreinte par des DRM, on ne peut en aucun cas considérer que par cette acquisition, l'objet acquis devient la propriété de son acquéreur. Au contraire, les DRM sont des mesures techniques de restriction visant à ce que le contenu auquel elles s'appliquent demeure l'exclusive propriété de son auteur, ou du moins de ses ayants droit. Ceci en chargeant la société ayant développé ce mécanisme technique d'introduire une exclusion artificielle de toute utilisation non autorisée par l'auteur de l'œuvre, ou du moins de ses ayants droit, et/ou par la société ayant développé le DRM.</p>
<p>Le droit français a rendu ce schéma possible par la promulgation de la loi <a href="http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000266350">n° 2006-961</a> du 1<sup>er</sup> août 2006 relative au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information, dite <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Droit_d%27auteur_et_droits_voisins_dans_la_soci%C3%A9t%C3%A9_de_l%27information" hreflang="fr">DADVSI</a>. J'<a href="http://wiki.framasoft.info/EUCD/Amendements%c0RejeterOu%c0Soutenir">ai pris une part active</a> à l'élaboration de cette loi et nous avions réussi, avec un <a href="http://eucd.info/">collectif d'activistes</a>, a obtenir au terme de la navette parlementaire, que la protection juridique des DRM instaurée par cette loi – c'est-à-dire la sanction prévue par la loi d'une quelconque tentative de casser ou de divulguer des informations permettant de circonscrire ces fameuses techniques de restriction – ne puisse empêcher l'interopérabilité des logiciels permettant d'accéder aux œuvres soumises techniquement à de tels DRM. Cela signifie tout bonnement qu'avec les amendements que nous avions réussi à faire passer, il aurait été loisible à quiconque de développer un logiciel qui, dans l'exemple ci-dessus, m'aurait permis de lire <em>Rousseau, citoyen du futur</em> selon mes besoins.</p>
<p>Cependant cette « exception d'interopérabilité » a été supprimée par le <a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/tag/Conseil%20constitutionnel">Conseil constitutionnel</a>. Et ce sont les <a href="http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/les-decisions/acces-par-date/decisions-depuis-1959/2006/2006-540-dc/decision-n-2006-540-dc-du-27-juillet-2006.1011.html">termes</a> justifiant ce retoquage qui dévoilent ce que la <em>propriété intellectuelle</em> peut fournir comme enseignement sur la propriété au sens large :</p>
<blockquote><p>14. Considérant que la propriété figure au nombre des droits de l'homme consacrés par l'article 2 de la Déclaration de 1789 ; que son article 17 proclame : <em>“La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité”</em> ;</p>
<p>
15. Considérant que les finalités et les conditions d'exercice du droit de propriété ont subi depuis 1789 une évolution caractérisée par une extension de son champ d'application à des domaines nouveaux ; que, parmi ces derniers, figurent les droits de propriété intellectuelle et notamment le droit d'auteur et les droits voisins ;</p>
<p>
<a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/post/2013/07/29/…" title="…">…</a></p>
<p>
41. Considérant que l'article 14 précise que l'Autorité de régulation des mesures techniques a pour mission de garantir l<em>'“interopérabilité”</em> des systèmes et des services existants <em>“dans le respect des droits des parties”</em> ; que cette disposition doit s'entendre comme étant applicable tant aux titulaires d'un droit d'auteur ou d'un droit voisin ayant recours aux mesures techniques de protection, qu'aux titulaires de droits sur les mesures techniques de protection elles-mêmes ; qu'à défaut de consentement de ces derniers à la communication des informations essentielles à l<em>'“interopérabilité”</em>, cette communication devra entraîner leur indemnisation ; que, dans le cas contraire, ne seraient pas respectées les dispositions de l'article 17 de la Déclaration de 1789 aux termes duquel : <em>“La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité”</em> ;</p></blockquote>
<p>En résumé, la <em>propriété intellectuelle</em>, devant être comprise comme faisant partie du droit de propriété et ce dernier étant <em>sacré et inviolable</em>, elle anéanti de par cet attribut impérieux tout besoin d'interopérabilité, qui devra donc se taire devant elle. Aussi pourquoi s'étonner que la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne consacre solennellement la <em>propriété intellectuelle</em>, puisque celle-ci dérive d'un droit de propriété dont l'importance est telle qu'il faut le reconnaître comme étant ''sacré et inviolable" ? Tiens donc ! Mais qu'est-ce qui rend la propriété si importante qu'on la pare ainsi de vertus métaphysiques ?</p>
<p>Là encore, le Conseil constitutionnel nous fourni une aide précieuse quant à la compréhension de ce sacrement constitutionnel de la propriété. Dans sa <a href="http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/les-decisions/acces-par-date/decisions-depuis-1959/1982/81-132-dc/decision-n-81-132-dc-du-16-janvier-1982.7986.html">décision n° 81-132 DC du 16 janvier 1982</a> sur la loi de nationalisation, l'autorité judiciaire suprême élabore le cheminement historique ayant théorisé un tel sacrement :</p>
<blockquote><p>13. Considérant que l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 proclame : Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l'oppression ; que l'article 17 de la même Déclaration proclame également : La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment et sous la condition d'une juste et préalable indemnité ;</p>
<p>
14. Considérant que le peuple français, par le référendum du 5 mai 1946, a rejeté un projet de Constitution qui faisait précéder les dispositions relatives aux institutions de la République d'une nouvelle Déclaration des droits de l'homme comportant notamment l'énoncé de principes différant de ceux proclamés en 1789 par les articles 2 et 17 précités.</p>
<p>
15. Considérant qu'au contraire, par les référendums du 13 octobre 1946 et du 28 septembre 1958, le peuple français a approuvé des textes conférant valeur constitutionnelle aux principes et aux droits proclamés en 1789 ; qu'en effet, le préambule de la Constitution de 1946 réaffirme solennellement les droits et les libertés de l'homme et du citoyen consacrés par la Déclaration des droits de 1789 et tend seulement à compléter ceux-ci par la formulation des principes politiques, économiques et sociaux particulièrement nécessaires à notre temps ; que, aux termes du préambule de la Constitution de 1958, le peuple français proclame solennellement son attachement aux droits de l'homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu'ils ont été définis par la déclaration de 1789, confirmée et complétée par le Préambule de la Constitution de 1946 .</p>
<p>
16. Considérant que, si postérieurement à 1789 et jusqu'à nos jours, les finalités et les conditions d'exercice du droit de propriété ont subi une évolution caractérisée à la fois par une notable extension de son champ d'application à des domaines individuels nouveaux et par des limitations exigées par l'intérêt général, les principes mêmes énoncés par la Déclaration des droits de l'homme ont pleine valeur constitutionnelle tant en ce qui concerne le caractère fondamental du droit de propriété dont la conservation constitue l'un des buts de la société politique et qui est mis au même rang que la liberté, la sûreté et la résistance à l'oppression, qu'en ce qui concerne les garanties données aux titulaires de ce droit et les prérogatives de la puissance publique ; <a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/post/2013/07/29/…" title="…">…</a></p></blockquote>
<p>L'héritage remonte donc à 1789, autrement dit à une assemblée constituante que l'on sait être dans sa grande majorité voltairienne. Pour bien comprendre l'empreinte que ces possédants constitutionnalistes de 1789 ont juridiquement marqué sur le droit de propriété, il est intéressant de comparer les définitions qu'en font la Déclaration des droits de l'homme de 1789, telle que répétées dans les décision du Conseil constitutionnel ci-dessus, et le projet de constitution rejeté par référendum en mai 1946, que le Conseil constitutionnel ne fait que mentionner. Ce <a href="http://www.assemblee-nationale.fr/histoire/constitution-projet-avril-1946.asp">projet de constitution du 19 avril 1946</a> énonçait :</p>
<blockquote><p>Article 35</p>
<p>
La propriété est le droit inviolable d'user, de jouir et de disposer des biens garantis a chacun par la loi. Tout homme doit pouvoir y accéder par le travail et par l'épargne.</p>
<p>
Nul ne saurait en être privé si ce n'est pour cause d'utilité publique légalement constatée et sous la condition d'une juste indemnité fixée conformément à la loi.</p>
<p>
Article 36</p>
<p>
Le droit de propriété ne saurait être exercé contrairement à l'utilité sociale ou de manière à porter préjudice à la sûreté, à la liberté, à l'existence ou à la propriété d'autrui.</p>
<p>
Tout bien, toute entreprise dont l'exploitation a ou acquiert les caractères d'un service public national ou d'un monopole de fait doit devenir la propriété de la collectivité.</p></blockquote>
<p>Rien de bien révolutionnaire par rapport à la définition de 1789, si ce n'est que l'on voulait poser des limites à ce droit de propriété lorsque l'exigent des droits plus importants, tel que l'utilité sociale, la sûreté ou la liberté, ou qu'il faille trouver un équilibre entre deux propriétés concurrentes. Il n'a jamais été question de remettre en cause le droit de propriété. Cependant une quelconque limite à ce droit se devait d'être inacceptable. Le projet de constitution d'avril 1946 avait en effet oublié un qualificatif à ce droit de propriété qu'il confirmait pourtant comme étant inviolable.</p>
<p>Les constituants de 1789, qui rappelons-le encore faisaient quasi-exclusivement partie des possédants, avaient en effet élevé le droit de propriété au rang de <em>sacré</em>. Le mot est d'autant plus important qu'il fut choisi dans un contexte de révolution mazoutant d'essence républicaine tout ce qu'il y avait de sacré. Alors pourquoi tant d'honneur religieux pour la propriété ? Justement parce que la propriété est l'attribut distinguant ceux qui viennent de parvenir à prendre les leviers de commande de la société française ‑ le petit nombre des possédants – du grand nombre de ceux que les premiers gouvernent. S'attaquer à la propriété, c'est décloisonner l'ordre social. C'est permettre que l'oppressé puisse se libérer de son oppression. Voire que l'oppresseur devienne à son tour oppressé. C'est inconcevable !</p>
<p>Alors on va qualifier la propriété de sacrée. On comprendra ainsi aisément ce que ce droit de propriété a d'inébranlable fondation. Puisqu'il est un droit naturel. Qui est donné à tout homme – on voit déjà la supercherie délaissant ceux qui justement ne sont pas des possédants. Mieux : c'est un droit qui a été sanctifié ! Maintenant qu'il est établi que le roi ne peut tirer son pouvoir du droit divin, c'est la propriété qui se voit être insufflée par Dieu. S'attaquer à la propriété, c'est s'exposer aux fourches de la colère divine. En apposant le verni indélébile du sacré sur la propriété, ce que l'on veut consacrer c'est bel et bien l'ordre social dominé par les possédants<sup>[<a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/post/2013/07/29/S-attaquer-%C3%A0-la-propri%C3%A9t%C3%A9#wiki-footnote-1" id="rev-wiki-footnote-1">1</a>]</sup>.</p>
<p>Et le stratagème continue de marcher. Notre corps économique et social n'est-il pas en ce moment même aux prises avec une crise financière et économique dont les racines remontent à ce qu'on a appelé en 2007-2008 la crise des <em><a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/tag/subprimes">subprimes</a></em> ? Mais ces dernières ne sont rien d'autre que des montages financiers créant <em>ex nihilo</em> de la valeur basée sur un crédit accordé aux non-possédants afin de leur faire miroiter une accession – qui s'est avérée n'être que fictive – au paradis de la propriété.</p>
<p>Rien d'étonnant donc à ce qu'on veuille s'assurer que droits d'auteur, brevets, marques et autres puissent bénéficier de cette place forte qu'est la propriété depuis qu'on l'a revêtue de l'amure inviolable du sacré. Étiquetés d'un label <em>propriété intellectuelle</em> ces droits d'exclusion sur les créations de l'esprit n'en ont que plus de force, ce qui permet de faire pencher la balance en leur faveur lorsqu'il s'agit d'équilibrer avec d'autres droits et libertés fondamentaux qui rentreraient en conflit avec ceux-ci. C'est exactement le sens de la décision du Conseil constitutionnel sur la loi DADVSI.</p>
<p>Au final, qu'en tirer à propos de la <em>propriété</em> au sens large ? J'ai pris le soin dans les prolégomènes de ce billet de faire état du manque d'outils dont je disposais pour proposer une pensée suffisamment informée et enrichissante sur le sujet. Je me garderai donc bien de conclure à la nécessaire éradication du droit de propriété. Faut-il radicalement supprimer le droit de propriété ? Je n'en sais rien. Peut-être est-ce effectivement une condition inexorable pour échapper à un ordre social fondé sur la propriété. Mais peut-être que je ne mesure pas assez les effets d'une telle suppression radicale.</p>
<p>Ce que je sais et que je tire comme enseignement de ce que je viens de développer dans ce billet c'est qu'en aucun cas une <a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/tag/insurrection">insurrection</a> se proposant d'inverser l'ordre social voltairien – sacralisant les rapports de domination des possédants – ne peut esquiver une négation totale du caractère <em>sacré</em> du droit de propriété. Il importe de faire sortir cet adjectif de notre ordre juridique. Par tous les moyens nécessaires.</p>
<p>La réécriture de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dans la <a href="http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/la-constitution/les-constitutions-de-la-france/constitution-du-24-juin-1793.5084.html">Constitution « montagnarde » du 24 juin 1793</a> nous offre un tel moyen en éliminant toute référence au sacré de la définition du droit de propriété pour ne le faire réapparaître qu'à son ultime article :</p>
<blockquote><p>Article 35. - Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l'insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs.</p></blockquote>
<div class="footnotes"><h4>Note</h4>
<p>[<a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/post/2013/07/29/S-attaquer-%C3%A0-la-propri%C3%A9t%C3%A9#rev-wiki-footnote-1" id="wiki-footnote-1">1</a>] Après avoir écrit ces lignes, je découvre un article intitulé <a href="http://www.propedia-igs.fr/wp-content/uploads/2012/02/CHICOT_PY.pdf">Droit positif et sacré : l'exemple du droit de propriété dans la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen</a> de Pierre-Yves Chicot, Maître de conférences de droit public à l'Université des Antilles et de la Guyane, confirmant ce qui vient d'être avancé : <q>l'essentiel ici consiste à mettre en lumière la finalité de l'invocation au sacré. En effet, il semble bien que l'objectif du pouvoir normatif d'obédience laïque est d'utiliser la force de la normativité du sacré pour renforcer l'effet contraignant de la disposition visée. Il s'agit donc de convaincre les destinataires de la norme du bien fondé de la parole de droit positif énoncée et de l'obligation supérieure qui existe à la respecter en invoquant précisément le sacré. <a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/post/2013/07/29/…" title="…">…</a> Dans le même ordre d'idée, on fera observer qu'il n'est pas rare d'entendre les juristes parler de “sacro-saint principe” pour montrer l'emprise inextinguible de celui-ci. Et ce, quand bien même le droit divin le méconnaîtrait. Chaque fois qu'on recourt à cette méthode, l'invocation au sacré joue comme une contrainte supérieure. Pour enjoindre à la plus grande observance de la règle, il y a la recherche d'un effet à double détente. Un premier effet qui va naître du caractère obligatoire du droit positif lui-même. Un second effet qui va relever de la force évocatrice de la dimension théologique sur l'inconscient individuel et collectif, faisant ainsi fonction d<em>'opinio juris</em> renforcé. <a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/post/2013/07/29/…" title="…">…</a> Relier droit de propriété et liberté individuelle contribue à former le socle du système économique libéral, dont la démonstration du triomphe n'est plus à faire en ce début de XXI<sup>e</sup> siècle. Ce triomphe à l'échelle mondiale témoigne de la sacralisation renouvelée du droit de propriété, équivalant à une sorte de sacre globalisé du régime la propriété privée des moyens de production. <a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/post/2013/07/29/…" title="…">…</a> La sacralisation de la liberté et du droit de la propriété privée concourt à la mise en place d'un nouvel ordre économique qui révèle le caractère libéral de la Révolution française. L'utilitarisme du sacré est ainsi clairement mis en exergue pour parvenir au plein avènement de l'ordre économique libéral. <a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/post/2013/07/29/…" title="…">…</a> Le recours au sacré poursuit un objectif précis. Celui de convaincre les sujets de droit, du bien fondé de la norme posée. <a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/post/2013/07/29/…" title="…">…</a> Cette tendance à l'absolutisation de l'appropriation individuelle conduit à la consécration de l'ordre social des classes possédantes.</q></p></div>
https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/post/2013/07/29/S-attaquer-%C3%A0-la-propri%C3%A9t%C3%A9#comment-formhttps://pascontent.sedrati.xyz/index.php/feed/atom/comments/8Au NON de la Démocratieurn:md5:5e552c4bbad2d39c6efd5545e288eee62005-05-23T11:23:00+02:002013-11-09T22:40:46+01:00gibusEUbrevets logicielsCommission européenneParlement européenRocardTCEUnion européenne<p>Lettre ouverte d'activistes du logiciel libre concernant le référendum sur le traité constitutionnel européen (<a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/tag/TCE">TCE</a>), partant de leur expérience de témoins et acteurs des débats autour de la directive européenne sur la brevetabilité des programmes d'ordinateurs pour soulever les défaillances démocratiques du fonctionnement de l'Union européenne, tel que proposé dans cette « constitution ».</p> <p>Parce que nous défendons la libre circulation des idées et le libre accès aux connaissances, nous sommes depuis quelques années les témoins privilégiés de l'élaboration et de l'examen d'une directive de l'Union européenne concernant les <a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/tag/brevets%20logiciels">brevets logiciels</a><sup>[<a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/post/2005/05/23/Au-NON-de-la-Democratie#pnote-3-1" id="rev-pnote-3-1">1</a>]</sup>.</p>
<p>Michel <a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/tag/Rocard">Rocard</a>, rapporteur pour le <a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/tag/Parlement%20europ%C3%A9en">Parlement européen</a> sur cette directive, qualifiait d'« inélégance »<sup>[<a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/post/2005/05/23/Au-NON-de-la-Democratie#pnote-3-2" id="rev-pnote-3-2">2</a>]</sup>, le fonctionnement biaisé des institutions européennes, qui a fortement perturbé l'élaboration de la directive sur les brevets logiciels. Ceci, alors que les citoyens européens attendent que l'adoption de ce texte ne leur ferme pas – on peut le craindre, pour longtemps – les portes d'une société où l'information et la connaissance deviennent omniprésentes.</p>
<p>Ainsi, avec les eurodéputés, nous avons pu ensemble constater comment la <a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/tag/Commission%20europ%C3%A9enne">Commission européenne</a> – que les eurodéputés n'ont la possibilité de renverser que pour des motifs de « gestion » – était perméable aux influences des lobbies représentant les firmes dominantes au niveau international. La proposition de directive sur les brevets logiciels, dont la Commission a eu l'unique pouvoir d'initiative, porte ainsi la signature de la BSA, la Business Software Alliance, conglomérat des géants de l'informatique, dominé par Microsoft<sup>[<a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/post/2005/05/23/Au-NON-de-la-Democratie#pnote-3-3" id="rev-pnote-3-3">3</a>]</sup>.</p>
<p>Ensemble, nous avons dû travailler d'arrache-pied pour convaincre une majorité d'eurodéputés d'amender fortement en première lecture le texte de la Commission afin qu'il réaffirme que le logiciel n'est pas brevetable. <sup>[<a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/post/2005/05/23/Au-NON-de-la-Democratie#pnote-3-4" id="rev-pnote-3-4">4</a>]</sup>.</p>
<p>Ensemble, nous avons vu comment la Commission et le Conseil des ministres, conseillés par des « experts » siégeant aux Offices des brevets, ont superbement ignoré tous ces amendements substantiels, sans donner de raison valable<sup>[<a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/post/2005/05/23/Au-NON-de-la-Democratie#pnote-3-5" id="rev-pnote-3-5">5</a>]</sup>.</p>
<p>Ensemble, nous avons déploré l'inefficacité du contrôle que sont censés exercer les citoyens et les parlements nationaux sur les décisions que prennent les représentants ministériels au Conseil : le ministre néerlandais votait à l'encontre du mandat reçu de la Tweede Kamer, en excusant sa position par une « erreur de traitement de texte » (_sic !_)<sup>[<a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/post/2005/05/23/Au-NON-de-la-Democratie#pnote-3-6" id="rev-pnote-3-6">6</a>]</sup> ; le gouvernement allemand en qui nombre de pays de l'Est avaient placé leur confiance, s'entendait avec la Commission pour proposer un amendement de dernière minute, retirant toute substance de son opposition revendiquée <sup>[<a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/post/2005/05/23/Au-NON-de-la-Democratie#pnote-3-7" id="rev-pnote-3-7">7</a>]</sup>; le gouvernement français, n'arrivant pas à déjuger une position préparée par l'INPI <sup>[<a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/post/2005/05/23/Au-NON-de-la-Democratie#pnote-3-8" id="rev-pnote-3-8">8</a>]</sup>, reniait hypocritement les engagements pris par son Président, en restant aveugle et sourd aux démonstrations prouvant que le texte auquel elle donnait son accord allait à l'encontre des louables intentions affichées par la France <sup>[<a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/post/2005/05/23/Au-NON-de-la-Democratie#pnote-3-9" id="rev-pnote-3-9">9</a>]</sup>; l'Irlande, paradis fiscal pour la « propriété intellectuelle »<sup>[<a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/post/2005/05/23/Au-NON-de-la-Democratie#pnote-3-10" id="rev-pnote-3-10">10</a>]</sup> et qui assurait alors la présidence de l'<a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/tag/Union%20europ%C3%A9enne">Union européenne</a> avec le parrainage de <a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/tag/Microsoft">Microsoft</a>, forçait la main à des États membres hésitants, tel que le Danemark, pour obtenir leur assentiment<sup>[<a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/post/2005/05/23/Au-NON-de-la-Democratie#pnote-3-11" id="rev-pnote-3-11">11</a>]</sup>; etc. La liste des forfaitures commises au Conseil est encore longue<sup>[<a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/post/2005/05/23/Au-NON-de-la-Democratie#pnote-3-12" id="rev-pnote-3-12">12</a>]</sup>, et ce texte, reniant le point de vue du Parlement européen, n'a cessé<sup>[<a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/post/2005/05/23/Au-NON-de-la-Democratie#pnote-3-13" id="rev-pnote-3-13">13</a>]</sup> d'être poussé pour finalement être adopté officiellement<sup>[<a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/post/2005/05/23/Au-NON-de-la-Democratie#pnote-3-14" id="rev-pnote-3-14">14</a>]</sup>, après que la mobilisation des citoyens et de plusieurs États<sup>[<a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/post/2005/05/23/Au-NON-de-la-Democratie#pnote-3-15" id="rev-pnote-3-15">15</a>]</sup> avait dénoncé les tentatives de le glisser discrètement lors de réunions du Conseil sur l'Agriculture et la Pêche<sup>[<a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/post/2005/05/23/Au-NON-de-la-Democratie#pnote-3-16" id="rev-pnote-3-16">16</a>]</sup>.</p>
<p>Ensemble, nous avons essayé de sortir cette importante directive du bourbier dans lequel elle s'enfonçait, en demandant officiellement à la Commission européenne de prendre en compte les problèmes des brevets mis en évidence lors du débat public et de présenter un nouveau texte <sup>[<a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/post/2005/05/23/Au-NON-de-la-Democratie#pnote-3-17" id="rev-pnote-3-17">17</a>]</sup>. Alors que cette demande était soutenue par une écrasante majorité de la commission parlementaire responsable<sup>[<a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/post/2005/05/23/Au-NON-de-la-Democratie#pnote-3-18" id="rev-pnote-3-18">18</a>]</sup>, par la Conférence des Présidents des Groupes politiques représentés au Parlement européen<sup>[<a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/post/2005/05/23/Au-NON-de-la-Democratie#pnote-3-19" id="rev-pnote-3-19">19</a>]</sup> et par un vote unanime de ce Parlement en séance plénière<sup>[<a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/post/2005/05/23/Au-NON-de-la-Democratie#pnote-3-20" id="rev-pnote-3-20">20</a>]</sup>, nous attendons toujours que la Commission donne une explication valable de son refus à cette requête de redémarrage. Mais le couple Commission et Conseil n'a pu, pour justifier son entêtement, qu'invoquer des « raisons institutionnelles pour ne pas créer de précédents dans les institutions européennes »<sup>[<a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/post/2005/05/23/Au-NON-de-la-Democratie#pnote-3-21" id="rev-pnote-3-21">21</a>]</sup>.</p>
<p>Comment peut-on interpréter cela autrement que comme la volonté de ne pas remettre en cause leur omnipotence sur ces institutions ? Comment peut-on croire qu'une invitation d'un million de citoyens, telle que le prévoit l'actuel projet de Constitution pour l'Europe, à des conditions plus strictes et plus floues que le droit de pétition dont ils bénéficiaient d'ores et déjà, connaîtra un meilleur traitement ? Comment peut-on imaginer qu'une extension de la procédure de codécision, qui régit déjà cette législation sur les brevets logiciels, représente une avancée démocratique ?</p>
<p>Nous travaillons en ce moment pour que le Parlement réaffirme en seconde lecture son souci de l'intérêt commun<sup>[<a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/post/2005/05/23/Au-NON-de-la-Democratie#pnote-3-22" id="rev-pnote-3-22">22</a>]</sup>, en dépit des lobbies du microcosme juridique et des groupes industriels<sup>[<a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/post/2005/05/23/Au-NON-de-la-Democratie#pnote-3-23" id="rev-pnote-3-23">23</a>]</sup> désireux de conforter leur position dominante. Alors qu'au cours de plus d'une année, Conseil et Commission n'ont réussi qu'à accoucher de définitions tautologiques et trompeuses, satisfaisant ces intérêts particuliers, nous réalisons avec le Parlement européen le véritable travail législatif, conjuguant la défense du patrimoine commun des européens et celle de la majorité économique, qui dans le secteur informatique européen est constituée des multiples PME du logiciel<sup>[<a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/post/2005/05/23/Au-NON-de-la-Democratie#pnote-3-24" id="rev-pnote-3-24">24</a>]</sup>. Mais même en y parvenant lors de cette seconde lecture parlementaire, buterons-nous toujours sur la conception très particulière qu'ont certains de la démocratie ?</p>
<p>La question à laquelle on nous demande de répondre dimanche prochain est très claire : « Approuvez-vous le projet de loi qui autorise la ratification du traité établissant une Constitution pour l'Europe ? ». Le sujet n'est pas de spéculer sur la facilité ou la difficulté de corriger ses graves erreurs. Il s'agit de donner une caution des citoyens à un texte qui reprend les dysfonctionnements dont nous sommes témoins, sans en corriger les causes profondes.</p>
<p>Parce qu'il est toujours préférable de ne pas laisser des considérations tactiques l'emporter sur les questions de fond, de ne pas oblitérer le texte, en le soumettant à un contexte hypothétique ; parce que nous avons confiance dans nos représentants élus directement, les eurodéputés ; parce que ce projet de Constitution ne donne, du fait de subtiles définitions de majorités, qu'un rôle secondaire au Parlement européen<sup>[<a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/post/2005/05/23/Au-NON-de-la-Democratie#pnote-3-25" id="rev-pnote-3-25">25</a>]</sup> ; parce que cette Constitution ne propose aucun moyen de s'assurer que les instances les plus puissantes - Commission, Conseil, Banque centrale européenne - puissent être contrôlées par les Européens et parce qu'elle entérine au contraire le fait que ces instances échappent au contrôle des citoyens ; parce qu'il y a là une régression inacceptable des droits fondamentaux conquis par nos aïeux ; et enfin, parce que nous ne pouvons, de manière responsable, confier un tel héritage antidémocratique à nos enfants, <strong>nous affirmons un Non convaincu et profondément européen</strong>.</p>
<h4>Signataires</h4>
<p><em>Les opinions exprimées dans cet article sont celles des auteurs et n'engagent nullement les structures auxquelles ils appartiennent.</em></p>
<ul>
<li>Frédéric COUCHET</li>
<li>Loïc DACHARY</li>
<li>Roberto DI COSMO</li>
<li>Ludovic PÉNET</li>
<li>Gérald SÉDRATI-DINET</li>
</ul>
<p><em>Les copies conformes et versions intégrales de cet article sont autorisées sur tout support pour peu que cette notice soit préservée.</em></p>
<p>Texte signé également le 29/5/2005 à 22 heures par : Benjamin HENRION, Nicole JACQUIN, Marie-Magdeleine BECHIER, Manuel MENAL, Christine TREGUIER, Patrice SOUDIER, Clément SIEBERING, Vincent RIQUER, Hubert JAUSSAUD, Silvestre, Patric IMOF, Pierre PIGNAC, Sébastien DINOT, Jean-Michel GRENÈCHE, Jean-Jacques MONO, Georges SILVA, Esther JOLY, Jean-Michel BENECH, Marc-Aurèle DARCHE, François HORN, Gildas LE NADAN, Serge LEBLANC, Jérôme GLEIZES, Mathieu IGNACIO, Jean PEYRATOUT, Romain HERAULT, Aris PAPATHÉODROU, Virginie DO MONTE, Jean-François BOSSARD, Laurent GUERBY, Alexis KAUFFMANN, Jérôme DOMINGUEZ, Jean-Paul DUCASSE, Michel BOUISSOU, Yves COMBE, Bruno COUDOIN, René MAGES, Jacques-Louis KREISS, Cédric MUSSO, Alain COULAIS, Tony BASSETTE, Laurent CHEMLA.</p>
<div class="footnotes"><h4 class="footnotes-title">Notes</h4>
<p>[<a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/post/2005/05/23/Au-NON-de-la-Democratie#rev-pnote-3-1" id="pnote-3-1">1</a>] <a href="http://www.ffii.fr/article.php3?id_article=57">Les brevets logiciels en Europe : une courte introduction</a></p>
<p>[<a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/post/2005/05/23/Au-NON-de-la-Democratie#rev-pnote-3-2" id="pnote-3-2">2</a>] <a href="http://www.ffii.fr/article.php3?id_article=107">Discours de Michel Rocard à la réunion de la commission parlementaire JURI avec le Commissaire McCreevy</a></p>
<p>[<a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/post/2005/05/23/Au-NON-de-la-Democratie#rev-pnote-3-3" id="pnote-3-3">3</a>] <a href="http://www.ffii.fr/article.php3?id_article=122">Proposition de la Commission et Business Software Alliance (Mingorance)</a></p>
<p>[<a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/post/2005/05/23/Au-NON-de-la-Democratie#rev-pnote-3-4" id="pnote-3-4">4</a>] <a href="http://swpat.ffii.org/journal/03/plen0924/index.fr.html">Le Parlement européen vote de réelles limites à la brevetabilité</a></p>
<p>[<a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/post/2005/05/23/Au-NON-de-la-Democratie#rev-pnote-3-5" id="pnote-3-5">5</a>] <a href="http://www.ffii.fr/article.php3?id_article=17">Conseil de l'UE 2004 : Proposition sur les brevets logiciels</a></p>
<p>[<a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/post/2005/05/23/Au-NON-de-la-Democratie#rev-pnote-3-6" id="pnote-3-6">6</a>] <a href="http://www.ffii.fr/article.php3?id_article=25">Le parlement néerlandais oblige le ministre Brinkhorst à retirer son soutien à la directive sur les brevets logiciels</a></p>
<p>[<a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/post/2005/05/23/Au-NON-de-la-Democratie#rev-pnote-3-7" id="pnote-3-7">7</a>] <a href="http://www.ffii.fr/breve.php3?id_breve=71">À l'unanimité le Bundestag dit : Non aux brevets logiciels</a></p>
<p>[<a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/post/2005/05/23/Au-NON-de-la-Democratie#rev-pnote-3-8" id="pnote-3-8">8</a>] <a href="http://www.ffii.fr/article.php3?id_article=23">Les cabinets en propriété industrielle des grandes entreprises et l'INPI dictent-ils la politique du gouvernement français sur les brevets logiciels ?</a></p>
<p>[<a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/post/2005/05/23/Au-NON-de-la-Democratie#rev-pnote-3-9" id="pnote-3-9">9</a>] <a href="http://www.ffii.fr/article.php3?id_article=75">Réponse à la position adoptée par la France au Conseil « Compétitivité » du 18 mai 2004</a></p>
<p>[<a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/post/2005/05/23/Au-NON-de-la-Democratie#rev-pnote-3-10" id="pnote-3-10">10</a>] Un terme que nous trouvons idéologiquement chargé et dangereusement inconscient des différences significatives existant entre les différents domaines juridiques qu'il tente d'agréger.</p>
<p>[<a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/post/2005/05/23/Au-NON-de-la-Democratie#rev-pnote-3-11" id="pnote-3-11">11</a>] <a href="http://www.elis.ugent.be/~jmaebe/nobackup/council2.mov">Dialogue Irlande-Danemark</a></p>
<p>[<a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/post/2005/05/23/Au-NON-de-la-Democratie#rev-pnote-3-12" id="pnote-3-12">12</a>] <a href="http://www.ffii.fr/article.php3?id_article=22">Une courte majorité de ministres, influencés par un compromis bogué, approuvent les brevets logiciels</a></p>
<p>[<a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/post/2005/05/23/Au-NON-de-la-Democratie#rev-pnote-3-13" id="pnote-3-13">13</a>] <a href="http://www.ffii.fr/article.php3?id_article=82">La présidence du Conseil de l'UE programme l'adoption de la directive sur les brevets logiciels lors d'une réunion sur la pêche</a></p>
<p>[<a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/post/2005/05/23/Au-NON-de-la-Democratie#rev-pnote-3-14" id="pnote-3-14">14</a>] <a href="http://www.ffii.fr/article.php3?id_article=133">La présidence du Conseil adopte l'accord sur les brevets logiciels en dépit du règlement intérieur du Conseil</a></p>
<p>[<a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/post/2005/05/23/Au-NON-de-la-Democratie#rev-pnote-3-15" id="pnote-3-15">15</a>] <a href="http://www.ffii.fr/article.php3?id_article=85">La décision concernant la directive sur les brevets logiciels est retirée de l'ordre du jour du Conseil sur l'agriculture à la demande de la Pologne</a></p>
<p>[<a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/post/2005/05/23/Au-NON-de-la-Democratie#rev-pnote-3-16" id="pnote-3-16">16</a>] <a href="http://www.ffii.fr/article.php3?id_article=97">Les brevets logiciels une fois de plus retirés de l'agenda de la Pêche à la demande de la Pologne</a></p>
<p>[<a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/post/2005/05/23/Au-NON-de-la-Democratie#rev-pnote-3-17" id="pnote-3-17">17</a>] <a href="http://www.ffii.fr/article.php3?id_article=88">Soixante et un députés du Parlement européen poussent à un retour en 1re lecture</a></p>
<p>[<a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/post/2005/05/23/Au-NON-de-la-Democratie#rev-pnote-3-18" id="pnote-3-18">18</a>] <a href="http://www.ffii.fr/article.php3?id_article=108">La commission parlementaire JURI vote pour un redémarrage avec une majorité écrasante</a></p>
<p>[<a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/post/2005/05/23/Au-NON-de-la-Democratie#rev-pnote-3-19" id="pnote-3-19">19</a>] <a href="http://www.ffii.fr/article.php3?id_article=118">Le Parlement européen demande un redémarrage et la Conférence des Présidents adopte la motion de JURI</a></p>
<p>[<a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/post/2005/05/23/Au-NON-de-la-Democratie#rev-pnote-3-20" id="pnote-3-20">20</a>] <a href="http://www.ffii.fr/article.php3?id_article=121">La Commission sous la pression du Parlement européen et du Danemark</a></p>
<p>[<a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/post/2005/05/23/Au-NON-de-la-Democratie#rev-pnote-3-21" id="pnote-3-21">21</a>] <a href="http://www.ffii.fr/article.php3?id_article=125">La Commission ne redémarrera pas la directive sur les brevets logiciels, la DG MARKT redoute une approche équilibrée</a></p>
<p>[<a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/post/2005/05/23/Au-NON-de-la-Democratie#rev-pnote-3-22" id="pnote-3-22">22</a>] <a href="http://www.ffii.fr/article.php3?id_article=143">Travail parlementaire européen sur les brevets logiciels en 2005</a></p>
<p>[<a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/post/2005/05/23/Au-NON-de-la-Democratie#rev-pnote-3-23" id="pnote-3-23">23</a>] <a href="http://www.ffii.fr/article.php3?id_article=150">L'EICTA envoie Microsoft au Parlement européen pour représenter les PME</a></p>
<p>[<a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/post/2005/05/23/Au-NON-de-la-Democratie#rev-pnote-3-24" id="pnote-3-24">24</a>] <a href="http://www.economic-majority.com" title="http://www.economic-majority.com">http://www.economic-majority.com</a></p>
<p>[<a href="https://pascontent.sedrati.xyz/index.php/post/2005/05/23/Au-NON-de-la-Democratie#rev-pnote-3-25" id="pnote-3-25">25</a>] <a href="http://www.ffii.fr/article.php3?id_article=86">Le Parlement européen est grandement désavantagé par la procédure de codécision en seconde lecture</a></p></div>
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