Je comprends tellement que ce monde rêve d’un envers ! De quelque chose qui lui échapperait enfin, irrémédiablement, qui serait comme son anti-matière, le noir de sa lumière épuisante ! L’abracadata qui échapperait par magie à toutes les datas ! Je comprends que la fuite, […], la liberté pure, l’invisibilité qui surgirait au cœur du panoptique, soient les fantasmes les plus puissants que notre société carcélibérale puisse produire comme antidote pour nos imaginaires.
Alain DAMASIO, Les furtifs, Paris, Éditions La Volte, 2019, p. 298-299
On appellera « ubique » tout ce que l’on désigne tantôt par le signifiant « informatique », tantôt – et de plus en plus – par celui de « numérique ».
L’ubique est le nom et l’objet d’une enquête. Celle-ci a pour objectif de déterminer le caractère révolutionnaire ou contre-révolutionnaire de l’ubique. Peut-on se fier et prendre appui sur l’ubique dans une visée émancipatrice ? Ou, au contraire, l’ubique doit-elle être combattue en raison des incomparables moyens de contrôle et de domination qu’elle fournit ?
Notre enquête en est arrivé à un point où, étant parvenu à distinguer ce qui dans l’ubique se conforme et accentue la logique capitaliste – et que nous avons appelé la face numérique de l’ubique –, nous pouvons désormais nous tourner vers l’autre face de l’ubique – si elle existe – susceptible au contraire de nous émanciper de la domination du capitalisme. Pour ce faire, il paraît utile de récapituler dans un premier temps les éléments essentiels composant la substantifique moelle de ce que nous avons nommé « numérique ». S’il s’agit de le combattre, mieux vaut en effet diriger de manière efficiente la lutte sur les points saillants et fondamentaux de l’ennemi, plutôt que s’égarer à partir à l’assaut de ce qu’il laisse ostensiblement à découvert mais qui n’est que leurre, que l’ennemi peut se permettre d’abandonner, car ne remettant nullement en cause sa nature profonde.

