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Archéologie de l'ubique

dans la catégorie Informatologie

[…] on avait là une définition possible de la révolution informatique, comme victoire, inattendue et totale, de l’intuitionnisme […]. Mieux, cette révolution informatique serait aussi une révolution […] dans la façon de faire et de penser les mathématiques, grâce à la mécanisation du calcul et à l’automatisation de la preuve, permises par l’usage intensif de machines indifférentes à la notion métamathématique de vrai et de faux : des machines intuitionnistes.

Aurélien BELLANGER, Le continent de la douceur, Paris, Gallimard, 2019, p. 137-138

On appellera « ubique » tout ce que l’on désigne tantôt par le signifiant « informatique », tantôt – et de plus en plus – par celui de « numérique ».

L’ubique est le nom et l’objet d’une enquête. Celle-ci a pour objectif de déterminer le caractère révolutionnaire ou contre-révolutionnaire de l’ubique. Peut-on se fier et prendre appui sur l’ubique dans une visée émancipatrice ? Ou, au contraire, l’ubique doit-elle être combattue en raison des incomparables moyens de contrôle et de domination qu’elle fournit ?

Notre enquête nous a amenés à séquencer le patrimoine génétique de l’ubique en partant d’un article d’Alan Turing de 1936. Le principal résultat en a été de révéler la nature algorithmique des modèles mathématiques constituant les objets sur lesquels opère l’ubique. Dès lors, nous avons pu identifier que la caractéristique essentielle – génétique – de l’ubique était de pouvoir traiter n’importe quel problème dans la limite de ce qui est calculable – tout en remarquant que cette limite, dès l’origine de l’ubique, n’avait eu de cesse de tenter d’être repoussée, voire refoulée.

Toutefois cet article de Turing ne nous a pas encore livré tout ce que nous pouvons en tirer. Il nous faut à présent continuer de gratter sous l’écorce de cet article afin de dégager les différentes strates sur lesquels il s’établit, dans une démarche qui peut ainsi être qualifiée d’archéologique.

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Génétique de l'ubique

dans la catégorie Informatologie

Un ordinateur bavardait tout seul, mis en alerte par une porte de sas qui s’était ouverte et refermée sans raison apparente. En fait, c’était parce que la Raison s’était mise à débloquer. Un trou venait d’apparaître dans la Galaxie. Pour être précis, durant un millième de seconde, un trou large d’un millième de millimètre et long d’un bon paquet de millions d’années-lumière d’une extrémité à l’autre. […] Le millième de seconde durant lequel exista le trou, ricocha d’une manière des plus improbables, d’un bout à l’autre de l’échelle du temps. Quelque part dans le tréfonds du passé, il traumatisa sérieusement un petit groupe d’atomes quelconques à la dérive dans le vide stérile de l’espace et les fit se réunir selon les structures les plus extraordinairement improbables, lesquelles structures ne tardèrent pas à apprendre à se copier toutes seules (c’était en partie là ce qui les rendait aussi extraordinaires) avant de s’avérer la cause de troubles considérables sur toutes les planètes où elles devaient échouer. C’est ainsi que commença la vie dans l’univers. […] L’univers réel disparut en se cabrant horriblement derrière eux. Diverses imitations de celui-ci passèrent en voltigeant silencieusement, agiles comme des cabris. Une explosion de lumière primordiale éclaboussa l’espace-temps comme gouttelettes de lait caillé. Le temps s’épanouit. La matière se contracta. Le plus grand des nombres premiers se recroquevilla tranquillement dans un coin et se laissa définitivement oublier. […] L’univers tressauta, se figea, frémit puis se répandit dans plusieurs directions fort inattendues.

Douglas ADAMS, Le Guide du Routard Galactique, Traduit de l’anglais par Jean BONNEFOY, Paris, Éditions Denoël, 1979, 1982 pour la traduction française, p. 104-106

On appellera « ubique » tout ce que l’on désigne tantôt par le signifiant « informatique », tantôt – et de plus en plus – par celui de « numérique ».

L’ubique est le nom et l’objet d’une enquête. Celle-ci a pour objectif de déterminer le caractère révolutionnaire ou contre-révolutionnaire de l’ubique. Peut-on se fier et prendre appui sur l’ubique dans une visée émancipatrice ? Ou, au contraire, l’ubique doit-elle être combattue en raison des incomparables moyens de contrôle et de domination qu’elle fournit ?

L’ubique procède d’une modélisation par abstraction du réel et, inversement, d’une restitution au réel des manipulations effectuées sur ce modèle. C'est la nature phénoménologique de l’ubique que notre enquête a déjà pu dégager. Il faut désormais se poser la question de l’essence de cette abstraction, du domaine qui tout à la fois constitue cette opération et ce sur quoi elle opère. C’est donc la génétique de l’ubique que notre enquête doit désormais aborder.

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Phénoménologie de l'ubique

dans la catégorie Informatologie

“Je ne parle pas d’autre chose que de l’ordinateur qui doit me succéder”, déclama Pensées Profondes en retrouvant son ton oratoire coutumier. “Un ordinateur dont je ne saurais encore calculer les simples paramètres de fonctionnement – mais que je concevrai néanmoins pour vous. Un ordinateur susceptible de calculer la Question à l’Ultime Réponse. Un ordinateur d’une si infiniment subtile complexité que la vie organique elle-même fera partie intégrante de ses unités de calcul. Et vous-mêmes prendrez forme nouvelle et pénétrerez dans l’ordinateur pour naviguer au long des dix millions d’années de son programme ! Oui ! Et je concevrai cet ordinateur pour vous. Et le nommerai également pour vous. Et on l’appellera… La Terre.”

Douglas ADAMS, Le Guide du Routard Galactique, Traduit de l’anglais par Jean BONNEFOY, Paris, Éditions Denoël, 1979, 1982 pour la traduction française, p. 230

On appellera « ubique » tout ce que l’on désigne tantôt par le signifiant « informatique », tantôt – et de plus en plus – par celui de « numérique ».

L’ubique est le nom et l’objet d’une enquête. Celle-ci a pour objectif de déterminer le caractère révolutionnaire ou contre-révolutionnaire de l’ubique. Peut-on se fier et prendre appui sur l’ubique dans une visée émancipatrice ? Ou, au contraire, l’ubique doit-elle être combattue en raison des incomparables moyens de contrôle et de domination qu’elle fournit ?

De manière évidente, bien qu’impensée par la plupart de celles et ceux qui en sont pourtant quotidiennement utilisatrices et utilisateurs et même de celles et ceux qui en sont au quotidien les architectes, l’ubique repose sur une modélisation de la réalité. Autrement dit, l’ubique se manifeste avant tout par une opération d’abstraction.

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Ubique : une enquête

dans la catégorie Informatologie

Je suis Ubik.
Avant que l’univers soit, je suis.
J’ai fait les soleils.
J’ai fait les mondes.
J’ai créé les êtres vivants et les lieux qu’ils habitent ;
Je les y ai transportés, je les y ai placés.
Ils vont où je veux, ils font ce que je dis.
Je suis le mot et mon nom n’est jamais prononcé,
Le nom qui n’est connu de personne.
Je suis appelé Ubik, mais ce n’est pas mon nom.
Je suis.
Je serai toujours.

Philip Kindred DICK, Ubik, 1969, traduction Alain DORÉMIEUX, Paris, Éditions Robert Laffont, 1970, p. 284,

On appellera « ubique » tout ce que l’on désigne tantôt par le signifiant « informatique », tantôt – et de plus en plus – par celui de « numérique ».

L’ubique est le nom et l’objet d’une enquête. Celle-ci a pour objectif de déterminer le caractère révolutionnaire ou contre-révolutionnaire de l’ubique. Peut-on se fier et prendre appui sur l’ubique dans une visée émancipatrice ? Ou, au contraire, l’ubique doit-elle être combattue en raison des incomparables moyens de contrôle et de domination qu’elle fournit ?

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De l’intimité, de l’informatique et de la merde à se tromper de concepts

dans la catégorie Au comptoir

Pavel Vašíček, Sen o intimitě, 2017« Vie privée », « numérique », ces termes ont envahi peu à peu les discussions dès que l'on évoque quoi que ce soit pour peu que cela touche de près ou de loin à l'utilisation d'Internet. Jusqu’à devenir aujourd'hui incontournables au fur et à mesure que nos pratiques, qu’elles soient sociales, amicales, amoureuses, professionnelles, administratives, économiques, révolutionnaires, etc., s'appuient sur les réseaux informatiques.

Cela fait des mois – qui se sont depuis accumulés en années – que je ressens le besoin d'écrire au sujet de ces deux expressions afin de clarifier le profond malaise qui me submerge dès que je les entends ou les lis. Réticent à donner une simple opinion sans étudier ces sujets en profondeur, afin d'en offrir une critique qui puisse se prétendre radicale, je me suis jusqu'ici retenu de publier le moindre billet – qui n'aurait su être qualifié autrement que « d’humeur ». Je préférais jusqu’à maintenant réagir lapidairement en interpellant les amis fautifs d'employer sans retenue ces vocables. Intuitivement, je ressentais qu’ils étaient trompeurs – défigurant les concepts qu’ils sont censés représenter – et, pour tout dire, réactionnaires et donc contre-productifs dans une optique révolutionnaire. Il aurait fallu bien des lectures et des recherches pour déconstruire, un tant soit peu sérieusement, ce que la « vie privée » et le « numérique » ont de si fallacieux.

L’occasion m’est cependant donnée d’aborder ces deux thèmes – sans toutefois y travailler autant que cela le mériterait – avec la tenue récente d’un atelier de sensibilisation à la protection de nos intimités, organiques et numériques. Ma réaction à l’annonce de cet atelier a en effet été emplie d’affects mêlés, tant de satisfaction que de déception. N’ayant pu m’y rendre, je vais essayer ici d'explorer a minima cette réaction affective afin de dégager – à défaut d’une base théorique solide – quelques pistes de réflexion suffisantes à une critique d’une part de la « vie privée » et du « numérique » d'autre part.

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