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Informatologie

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L'informatologue est à l'informaticien ce que le politologue est au politicien.

Point d'étape sur l’ubique numérique

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Je comprends tellement que ce monde rêve d’un envers ! De quelque chose qui lui échapperait enfin, irrémédiablement, qui serait comme son anti-matière, le noir de sa lumière épuisante ! L’abracadata qui échapperait par magie à toutes les datas ! Je comprends que la fuite, […], la liberté pure, l’invisibilité qui surgirait au cœur du panoptique, soient les fantasmes les plus puissants que notre société carcélibérale puisse produire comme antidote pour nos imaginaires.

Alain DAMASIO, Les furtifs, Paris, Éditions La Volte, 2019, p. 298-299

On appellera « ubique » tout ce que l’on désigne tantôt par le signifiant « informatique », tantôt – et de plus en plus – par celui de « numérique ».

L’ubique est le nom et l’objet d’une enquête. Celle-ci a pour objectif de déterminer le caractère révolutionnaire ou contre-révolutionnaire de l’ubique. Peut-on se fier et prendre appui sur l’ubique dans une visée émancipatrice ? Ou, au contraire, l’ubique doit-elle être combattue en raison des incomparables moyens de contrôle et de domination qu’elle fournit ?

Notre enquête en est arrivé à un point où, étant parvenu à distinguer ce qui dans l’ubique se conforme et accentue la logique capitaliste – et que nous avons appelé la face numérique de l’ubique –, nous pouvons désormais nous tourner vers l’autre face de l’ubique – si elle existe – susceptible au contraire de nous émanciper de la domination du capitalisme. Pour ce faire, il paraît utile de récapituler dans un premier temps les éléments essentiels composant la substantifique moelle de ce que nous avons nommé « numérique ». S’il s’agit de le combattre, mieux vaut en effet diriger de manière efficiente la lutte sur les points saillants et fondamentaux de l’ennemi, plutôt que s’égarer à partir à l’assaut de ce qu’il laisse ostensiblement à découvert mais qui n’est que leurre, que l’ennemi peut se permettre d’abandonner, car ne remettant nullement en cause sa nature profonde.

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L’ubique à l’ère du capitalisme cybernétique

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Les publicités des divers organismes de protection anti-psi, à la TV et dans les homéojournaux, ne cessaient de haranguer le public ces derniers temps. Défendez votre intimité, proclamaient-elles partout et à chaque moment. Est-ce qu’un étranger n’est pas à l’affût de vos pensées ? Êtes-vous vraiment seul ? Cela concernait les télépathes… mais il y avait aussi les nauséeuses causes de souci dues aux précognitifs. Vos actes sont-ils prédits par quelqu’un que vous n’avez jamais rencontré ? Quelqu’un que vous ne tiendriez pas à connaître ni à inviter chez vous ? Mettez fin à votre anxiété ; contactez le plus proche organisme de protection qui vous fera savoir si vous êtes ou non victime d’intrusions psychiques interdites et qui, sur vos instructions, les neutralisera – ceci pour un prix modéré.

Philip Kindred DICK, Ubik, 1969, traduction Alain DORÉMIEUX, Paris, Éditions Robert Laffont, 1970, p. 14-15

On appellera « ubique » tout ce que l’on désigne tantôt par le signifiant « informatique », tantôt – et de plus en plus – par celui de « numérique ».

L’ubique est le nom et l’objet d’une enquête. Celle-ci a pour objectif de déterminer le caractère révolutionnaire ou contre-révolutionnaire de l’ubique. Peut-on se fier et prendre appui sur l’ubique dans une visée émancipatrice ? Ou, au contraire, l’ubique doit-elle être combattue en raison des incomparables moyens de contrôle et de domination qu’elle fournit ?

Nous vivons à l'ère du numérique. Le numérique a envahi l’intégralité de nos vies sociales, personnelles, professionnelles, privées, économiques, politiques, etc. Ce constat semble aujourd’hui largement partagé, au point de devenir indiscutable. Ce que notre enquête a montré, c’est qu’il n’est pas innocent que soit employé le vocable de « numérique » pour caractériser cet état de fait : c’est qu’il est intimement lié à la domination capitaliste. Rien d’étrange à cela car le même constat peut être sans conteste attribué au capitalisme : n’a-t-il pas indiscutablement envahi l’intégralité de nos vies sociales, personnelles, professionnelles, privées, économiques, politiques, etc. ? Ne vivons-nous pas à l’ère de l’apogée du capitalisme ? Ce qui relève moins d’une évidence, c’est que cette hégémonie conjointe du numérique et du capitalisme a pour fondements les principaux concepts cybernétiques, que la dernière étape de notre enquête a dépeints à gros traits.

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Ubique et cybernétique

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Le Guide du routard galactique définit le service commercial de la Compagnie cybernétique de Sirius comme “un ramassis de pauvre mecs stupides qui finiront par se retrouver les premiers contre le mur le jour de la révolution”, avec une note indiquant que la rédaction du Guide était intéressée par toute candidature pour reprendre le poste de spécialiste en robotique.

Douglas ADAMS, Le Guide du Routard Galactique, Traduit de l’anglais par Jean BONNEFOY, Paris, Éditions Denoël, 1979, 1982 pour la traduction française, p. 121

On appellera « ubique » tout ce que l’on désigne tantôt par le signifiant « informatique », tantôt – et de plus en plus – par celui de « numérique ».

L’ubique est le nom et l’objet d’une enquête. Celle-ci a pour objectif de déterminer le caractère révolutionnaire ou contre-révolutionnaire de l’ubique. Peut-on se fier et prendre appui sur l’ubique dans une visée émancipatrice ? Ou, au contraire, l’ubique doit-elle être combattue en raison des incomparables moyens de contrôle et de domination qu’elle fournit ?

Nous sommes parvenus lors de la dernière étape de notre enquête à désigner par « numérique » le pôle capitaliste de l’ubique. Il est un autre terme, tombé de nos jours en désuétude, qui est cependant intimement lié à ce même pôle de l’ubique : celui de cybernétique. Or il n’est pas inconsidéré de trouver dans la pensée cybernétique, dont les fondements remontent à la seconde guerre mondiale et à la conversion durant la guerre froide de l’effort militaire en direction de l’efficience au service du capitalisme, déterminé à s’étendre à l’intégralité des activités – humaines ou non – sur l’ensemble de la planète – voire au-delà, les racines de ce qui fait désormais notre quotidien : l’ubiquité de l’ubique, tout du moins de sa face numérique. Il convient donc de nous plonger dans ce « moment cybernétique » et d’expliciter son importance fondamentale dans le développement de l’ubique numérique.

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Le pôle capitaliste de l’ubique

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Le fétichisme de l’information est la généralisation du fétichisme de la marchandise. C’est seulement par sa transcription en information que toute activité humaine apparaît comme sociale, et le devient effectivement, comme le travail ne devient social dans le capitalisme que lorsqu’il devient marchandise, et s’incarne dans une marchandise.

Thèses sur l’informatique, in Véloce, 01, janvier 2018, http://www.lisez-veloce.fr/veloce-01/theses-sur-linformatique/.

On appellera « ubique » tout ce que l’on désigne tantôt par le signifiant « informatique », tantôt – et de plus en plus – par celui de « numérique ».

L’ubique est le nom et l’objet d’une enquête. Celle-ci a pour objectif de déterminer le caractère révolutionnaire ou contre-révolutionnaire de l’ubique. Peut-on se fier et prendre appui sur l’ubique dans une visée émancipatrice ? Ou, au contraire, l’ubique doit-elle être combattue en raison des incomparables moyens de contrôle et de domination qu’elle fournit ?

Nos investigations nous ont justement mené à distinguer au sein de l’ubique deux pôles opposés, l’un permettant potentiellement d’échapper à la domination capitaliste et l’autre s’y conformant, voire la renforçant. Nous allons dans le présent volet de notre enquête poursuivre cette dernière piste, celle du pôle capitaliste de l’ubique, tout en gardant bien à l'esprit que l’ubique ne se réduit pas à cette seule facette.

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Ubique et axiomatique du Capital

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Le capitalisme se forme quand le flux de richesse non qualifié rencontre le flux de travail non qualifié, et se conjugue avec lui. C’est ce que les conjonctions précédentes, encore qualitatives ou topiques, avaient toujours inhibé (les deux principaux inhibiteurs, c’étaient l’organisation féodale des campagnes et l’organisation corporative des villes). Autant dire que le capitalisme se forme avec une axiomatique générale des flux décodés

Gilles DELEUZE et Félix GUATTARI, Mille plateaux : Capitalisme et schizophrénie 2, Paris, Les Éditions de Minuit, 1980, p. 565

On appellera « ubique » tout ce que l’on désigne tantôt par le signifiant « informatique », tantôt – et de plus en plus – par celui de « numérique ».

L’ubique est le nom et l’objet d’une enquête. Celle-ci a pour objectif de déterminer le caractère révolutionnaire ou contre-révolutionnaire de l’ubique. Peut-on se fier et prendre appui sur l’ubique dans une visée émancipatrice ? Ou, au contraire, l’ubique doit-elle être combattue en raison des incomparables moyens de contrôle et de domination qu’elle fournit ?

Nos explorations, tant génétiques qu’archéologiques, ont confirmé la nature mathématique de l’ubique. Nous y avons notamment évoqué comment l’ubique s’avérait la technique idéale pour mettre en œuvre la méthode axiomatique, celle-ci consistant en un enchaînement mécanique de règles permettant de déduire tous les théorèmes d’une théorie mathématique à partir de propositions prises comme hypothèses et jamais démontrées – les axiomes. Or les travaux de Gilles Deleuze et Félix Guattari ont montré que l’on pouvait trouver une analogie entre l’axiomatique et le fonctionnement des sociétés modernes du capitalisme. Il est par conséquent intéressant de s’arrêter sur ce point qui nous permettra de dépasser le domaine des mathématiques pour aborder des considérations politiques.

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Archéologie de l'ubique

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[…] on avait là une définition possible de la révolution informatique, comme victoire, inattendue et totale, de l’intuitionnisme […]. Mieux, cette révolution informatique serait aussi une révolution […] dans la façon de faire et de penser les mathématiques, grâce à la mécanisation du calcul et à l’automatisation de la preuve, permises par l’usage intensif de machines indifférentes à la notion métamathématique de vrai et de faux : des machines intuitionnistes.

Aurélien BELLANGER, Le continent de la douceur, Paris, Gallimard, 2019, p. 137-138

On appellera « ubique » tout ce que l’on désigne tantôt par le signifiant « informatique », tantôt – et de plus en plus – par celui de « numérique ».

L’ubique est le nom et l’objet d’une enquête. Celle-ci a pour objectif de déterminer le caractère révolutionnaire ou contre-révolutionnaire de l’ubique. Peut-on se fier et prendre appui sur l’ubique dans une visée émancipatrice ? Ou, au contraire, l’ubique doit-elle être combattue en raison des incomparables moyens de contrôle et de domination qu’elle fournit ?

Notre enquête nous a amenés à séquencer le patrimoine génétique de l’ubique en partant d’un article d’Alan Turing de 1936. Le principal résultat en a été de révéler la nature algorithmique des modèles mathématiques constituant les objets sur lesquels opère l’ubique. Dès lors, nous avons pu identifier que la caractéristique essentielle – génétique – de l’ubique était de pouvoir traiter n’importe quel problème dans la limite de ce qui est calculable – tout en remarquant que cette limite, dès l’origine de l’ubique, n’avait eu de cesse de tenter d’être repoussée, voire refoulée.

Toutefois cet article de Turing ne nous a pas encore livré tout ce que nous pouvons en tirer. Il nous faut à présent continuer de gratter sous l’écorce de cet article afin de dégager les différentes strates sur lesquels il s’établit, dans une démarche qui peut ainsi être qualifiée d’archéologique.

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Génétique de l'ubique

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Un ordinateur bavardait tout seul, mis en alerte par une porte de sas qui s’était ouverte et refermée sans raison apparente. En fait, c’était parce que la Raison s’était mise à débloquer. Un trou venait d’apparaître dans la Galaxie. Pour être précis, durant un millième de seconde, un trou large d’un millième de millimètre et long d’un bon paquet de millions d’années-lumière d’une extrémité à l’autre. […] Le millième de seconde durant lequel exista le trou, ricocha d’une manière des plus improbables, d’un bout à l’autre de l’échelle du temps. Quelque part dans le tréfonds du passé, il traumatisa sérieusement un petit groupe d’atomes quelconques à la dérive dans le vide stérile de l’espace et les fit se réunir selon les structures les plus extraordinairement improbables, lesquelles structures ne tardèrent pas à apprendre à se copier toutes seules (c’était en partie là ce qui les rendait aussi extraordinaires) avant de s’avérer la cause de troubles considérables sur toutes les planètes où elles devaient échouer. C’est ainsi que commença la vie dans l’univers. […] L’univers réel disparut en se cabrant horriblement derrière eux. Diverses imitations de celui-ci passèrent en voltigeant silencieusement, agiles comme des cabris. Une explosion de lumière primordiale éclaboussa l’espace-temps comme gouttelettes de lait caillé. Le temps s’épanouit. La matière se contracta. Le plus grand des nombres premiers se recroquevilla tranquillement dans un coin et se laissa définitivement oublier. […] L’univers tressauta, se figea, frémit puis se répandit dans plusieurs directions fort inattendues.

Douglas ADAMS, Le Guide du Routard Galactique, Traduit de l’anglais par Jean BONNEFOY, Paris, Éditions Denoël, 1979, 1982 pour la traduction française, p. 104-106

On appellera « ubique » tout ce que l’on désigne tantôt par le signifiant « informatique », tantôt – et de plus en plus – par celui de « numérique ».

L’ubique est le nom et l’objet d’une enquête. Celle-ci a pour objectif de déterminer le caractère révolutionnaire ou contre-révolutionnaire de l’ubique. Peut-on se fier et prendre appui sur l’ubique dans une visée émancipatrice ? Ou, au contraire, l’ubique doit-elle être combattue en raison des incomparables moyens de contrôle et de domination qu’elle fournit ?

L’ubique procède d’une modélisation par abstraction du réel et, inversement, d’une restitution au réel des manipulations effectuées sur ce modèle. C'est la nature phénoménologique de l’ubique que notre enquête a déjà pu dégager. Il faut désormais se poser la question de l’essence de cette abstraction, du domaine qui tout à la fois constitue cette opération et ce sur quoi elle opère. C’est donc la génétique de l’ubique que notre enquête doit désormais aborder.

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Phénoménologie de l'ubique

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“Je ne parle pas d’autre chose que de l’ordinateur qui doit me succéder”, déclama Pensées Profondes en retrouvant son ton oratoire coutumier. “Un ordinateur dont je ne saurais encore calculer les simples paramètres de fonctionnement – mais que je concevrai néanmoins pour vous. Un ordinateur susceptible de calculer la Question à l’Ultime Réponse. Un ordinateur d’une si infiniment subtile complexité que la vie organique elle-même fera partie intégrante de ses unités de calcul. Et vous-mêmes prendrez forme nouvelle et pénétrerez dans l’ordinateur pour naviguer au long des dix millions d’années de son programme ! Oui ! Et je concevrai cet ordinateur pour vous. Et le nommerai également pour vous. Et on l’appellera… La Terre.”

Douglas ADAMS, Le Guide du Routard Galactique, Traduit de l’anglais par Jean BONNEFOY, Paris, Éditions Denoël, 1979, 1982 pour la traduction française, p. 230

On appellera « ubique » tout ce que l’on désigne tantôt par le signifiant « informatique », tantôt – et de plus en plus – par celui de « numérique ».

L’ubique est le nom et l’objet d’une enquête. Celle-ci a pour objectif de déterminer le caractère révolutionnaire ou contre-révolutionnaire de l’ubique. Peut-on se fier et prendre appui sur l’ubique dans une visée émancipatrice ? Ou, au contraire, l’ubique doit-elle être combattue en raison des incomparables moyens de contrôle et de domination qu’elle fournit ?

De manière évidente, bien qu’impensée par la plupart de celles et ceux qui en sont pourtant quotidiennement utilisatrices et utilisateurs et même de celles et ceux qui en sont au quotidien les architectes, l’ubique repose sur une modélisation de la réalité. Autrement dit, l’ubique se manifeste avant tout par une opération d’abstraction.

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Ubique : une enquête

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Je suis Ubik.
Avant que l’univers soit, je suis.
J’ai fait les soleils.
J’ai fait les mondes.
J’ai créé les êtres vivants et les lieux qu’ils habitent ;
Je les y ai transportés, je les y ai placés.
Ils vont où je veux, ils font ce que je dis.
Je suis le mot et mon nom n’est jamais prononcé,
Le nom qui n’est connu de personne.
Je suis appelé Ubik, mais ce n’est pas mon nom.
Je suis.
Je serai toujours.

Philip Kindred DICK, Ubik, 1969, traduction Alain DORÉMIEUX, Paris, Éditions Robert Laffont, 1970, p. 284,

On appellera « ubique » tout ce que l’on désigne tantôt par le signifiant « informatique », tantôt – et de plus en plus – par celui de « numérique ».

L’ubique est le nom et l’objet d’une enquête. Celle-ci a pour objectif de déterminer le caractère révolutionnaire ou contre-révolutionnaire de l’ubique. Peut-on se fier et prendre appui sur l’ubique dans une visée émancipatrice ? Ou, au contraire, l’ubique doit-elle être combattue en raison des incomparables moyens de contrôle et de domination qu’elle fournit ?

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StopCovid : cybernétique, éthique et colégram

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Am Stram Gram - Eddie Barclay et son grand orchestre

Dans le cadre de la pandémie de Covid-19, les articles, prises de position et analyses quant aux outils numériques de traçage – potentiels ou déjà mis en œuvre de par le monde – sont nombreux, tant qu’il ne semble même plus y avoir besoin de rappeler en quoi consistent ces dispositifs.

Vraiment ? Il y a certes une très grande disparité entre les simples opinions – positives ou négatives –, les expertises scientifiques – quel que soit le domaine considéré dans la division des « Sciences » – et les tribunes – argumentées plus ou moins rigoureusement. On peut schématiquement classer tous ces textes en trois catégories, selon qu’ils appellent au rejet, à l’acceptation ou à la méfiance vis-à-vis de ce qui en France a été baptisé StopCovid et qui se décline dans différentes variantes selon les latitudes.

Cependant, rares – pour ne pas dire inexistants — sont les propos qui en définitive ne se réduisent pas à ce qu’on peut qualifier de jugement moral, au sens large. C’est-à-dire qu’il s’agit presque toujours de se référer à des valeurs permettant à chacun, dans la souveraineté de son libre arbitre, de trancher si ces solutions numériques de traçage sont à considérer comme comme bonnes ou mauvaises, selon qu’elles respectent ou non lesdites valeurs, assorties éventuellement d’exigences permettant de s’y conformer.

Tout autre est la mise en pratique d’une réflexion basée sur l’Éthique, telle qu’elle a été exposée par la philosophie de Spinoza. Pour le dire succinctement, elle consiste à tenter de connaître le mieux possible les choses en ce qu’elles sont, de façon à pouvoir sélectionner les manières d’interagir avec elles permettant d’accroître sa propre puissance d’agir et de penser. Il n’est plus question de juger, mais de sélectionner. Et ceci, non en fonction de valeurs en surplomb, mais par une connaissance adéquate de l’essence des choses, c’est-à-dire des rapports qui constituent celles-ci.

On ne trouvera évidemment pas dans une philosophie du XVIIe siècle d’indications sur une application numérique pour smartphone susceptible d’être mise en œuvre pour limiter la propagation d’un virus inconnu. Mais suivre la démarche éthique spinozienne offre une perception du problème éclairante. En mettant en lumière son essence, nous pourrons en déduire directement les effets. Nous retrouverons ainsi de nombreux points déjà soulevés par les analyses morales et nous serons à même de sélectionner ceux que nous pouvons éthiquement reprendre à notre compte et écarter les autres. Surtout, nous pourrons clairement dégager la nature profonde de ces dispositifs numériques et voir si elle entraîne un accroissement ou une diminution de notre puissance – pour le dire autrement : StopCovid et ses semblables sont-ils un remède fortifiant ou un poison ?

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La « propriété intellectuelle » c'est le viol ! troisième partie

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Intellectual_Property_by_tazis.jpgNous arrivons au terme de ce tryptique de billets sur la « propriété intellectuelle ». À partir d'un article de Richard Stallman, le premier billet nous avait permis, par une simple analyse textuelle du titre de cet article, de problématiser la question. La « propriété intellectuelle » y était en effet présentée comme un séduisant mirage, un être fantasmagorique et composite à l'apparence pourtant bien réelle.

L'étude bibliographique menée dans le second billet a confirmé que la « propriété intellectuelle » avait effectivement réussi à imposé l'unification de divers droits – droits d'auteurs, brevets, marques, dessins et modèles, etc. – malgré toutes leurs disparités. Somme toute, le seul point commun les rassemblant s'est avéré être justement qu'ils soient tous raccrochés à la banière de la propriété. Toutefois, cette caractérisation en termes de propriété s'est révélée on ne peut plus contingente et, au final, portée par un unique objectif de marchandisation qu'ont poussé des acteurs juridiques et industriels.

C'est donc dans le seul domaine de l'économie que le mirage de la « propriété intellectuelle » existe réellement. Il s'en suit que toute critique de la « propriété intellectuelle » en tant que telle, n'a de sens que située dans le champ économique. Pour le dire autrement : ce n'est qu'en tant qu'objet économique que la « propriété intellectuelle » est susceptible d'être appréhendée. Il nous faut donc, dans ce troisième et dernier billet, pénétrer le monde merveilleux de l'économie, tenter d'en dégager les lois spécifiques grâce auxquelles surgissent des êtres chimériques tels que la « propriété intellectuelle » et comprendre ainsi comment est régie leur mystérieuse existence.

1re partie : Stupeur et dévoilement
2e partie : Archéologie du savoir approprié

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La « propriété intellectuelle » c'est le viol ! deuxième partie

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intellectual_property_by_markofthedead-d345pnb.jpgDans le précédent billet, nous sommes partis du titre d'un article de Richard Stallman – ''Vous avez dit « propriété intellectuelle » ? Un séduisant mirage. – pour analyser ce qui sous-tend et ce qu'implique ce terme de « propriété intellectuelle ». Cette analyse textuelle a permis de discerner l'absence de substance sur laquelle repose cette notion, qui se présente comme un mirage, agglomérant divers concepts dans une totalité floue dont l'on ne distingue plus les parties. Mais il est également apparu qu'il s'agissait d'une image bien réelle, forgée par les mots qui la définissent et cela depuis qu'ils ont été prononcés, et qui s'imposait, empreinte d'une séduction trompeuse.

Il convient à présent d'examiner les questions qu'ont soulevées cette première analyse et, en premier lieu, de s'interroger sur les origines de ce mirage de la « propriété intellectuelle ». Comment ce mirage a-t-il été construit – c'est-à-dire quel a été le processus historique ayant conduit à parler de « propriété intellectuelle » ? Par qui – c'est-à-dire quels ont été les sujets de ce processus historique ? Dans quel but – c'est-à-dire quel a été l'objectif présidant à forger le concept englobant de « propriété intellectuelle » pour désigner les différents droits qu'il rassemble artificiellement ? Avec quels matériaux – c'est-à-dire qu'est-ce qui caractérise ces droits qu'englobe la « propriété intellectuelle » par rapport à ce qui n'en fait pas partie ? Pourquoi lui avoir donné cette forme – c'est-à-dire pourquoi avoir choisi les termes de propriété et intellectuelle pour nommer ce concept ?

C'est un euphémisme que de qualifier d'abondante la littérature académique sur la « propriété intellectuelle ». Cela fait maintenant plus de dix ans que j'y puise au gré des luttes auxquelles j'ai activement participé, que ce soit sur les brevets logiciels, le droit d'auteur sur Internet, ou les divers droits – brevet et droit d'auteur spécifique, mais aussi droit des marques, sur les bases de données, etc. – portant sur les logiciels. Mais depuis cinq mois, je me suis plongé dans les profondeurs de cette littérature foisonnante, afin d'y dénicher ce qui a spécifiquement trait à l'expression « propriété intellectuelle » elle-même : sa genèse, son existence et sa forme – soit, l'origine et la raison d'être de ce concept englobant divers droits et la forme qu'il prend de « propriété » réduite au qualificatif « intellectuelle ». C'est cette exploration bibliographique que relate ce second billet.

1re partie : Stupeur et dévoilement
3e partie : Le capital imaginaire
Théorie du droit des auteurs, Auguste-Charles Renouard
Théorie des droits sur les inventions et sur leurs produits, Auguste-Charles Renouard
Embryologie juridique, Edmond Picard

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La « propriété intellectuelle » c'est le viol ! première partie

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Vous avez dit « propriété intellectuelle » ? Un séduisant mirage

C'est là le titre d'un article de Richard Stallman, que j'ai déjà brièvement évoqué sur ce blog. Il s'agissait alors pour moi, en l'absence de connaissances théoriques approfondies à propos de la propriété, de l'aborder à partir de mon expérience de ce qu'on nomme « propriété intellectuelle ». J'y rappelais toutefois que la critique de Stallman de la notion de « propriété intellectuelle » était double. D'une part, on range sous ce vocable une telle quantité de droits […] comportant tant de différences les uns avec les autres, que tout discours voulant englober tous ces droits conduit à des généralisations absurdes. D'autre part, parler de “propriété intellectuelle” en ce qui concerne ces droits fort différents les uns des autres insinue une analogie avec les droits de propriété tels qu'on les conçoit ordinairement sur des objets physiques, matériels.

Il est temps d'approfondir cette réflexion sur la « propriété intellectuelle ». Ce bref rappel du double argumentaire résumant l'article de RMS – acronyme usuel pour désigner Richard Matthew Stallman – est peu ou prou l'interprétation qui en a été donnée par les militants du logiciel libre, qui en tirent pour toute conclusion que « propriété intellectuelle » est un terme à éviter et qu'une critique claire ne peut reposer que sur chacun des droits disparates masqués par cette appellation générique trompeuse, paraphrasant ainsi la propre conclusion de Richard Stallman :

Si vous voulez réfléchir clairement aux problèmes soulevés par les brevets, les copyrights, les marques déposées ou diverses autres lois, la première étape est d'oublier l'idée de les mettre toutes dans le même sac, de les traiter comme des sujets séparés. La deuxième étape est de rejeter les perspectives étriquées et l'image simpliste véhiculées par l'expression « propriété intellectuelle ». Traitez chacun de ces sujets séparément, dans son intégralité, et vous aurez une chance de les examiner correctement.

Or, cet article de RMS comporte lui-même, tout du moins en apparence, une flagrante contradiction, qui cependant n'a jamais semblé gêner ni ses partisans, ni ses adversaires, si tant est que les uns et les autres l'aient seulement relevée. En effet, s'il ne peut exister de critique sérieuse englobant l'ensemble de ces droits hétéroclites, alors il devrait même être impossible de porter une quelconque contestation ayant pour objet tous ces droits. Fût-elle d'un parti pris suggérant d'éviter de penser chacun de ces droits par analogie avec les droits de propriété sur les objets physiques.

Cette apparente contradiction demande à être dépassée et la critique même de la notion de « propriété intellectuelle » réclame d'être approfondie. C'est tout l'objet du présent billet et de ceux qui suivront.

2e partie : Archéologie du savoir approprié
3e partie : Le capital imaginaire

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La ruine des brevets logiciels : it's the stupid economy!

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Pour écrire un billet traitant de l'économie, j'ai dû me plonger dans une montagne de lectures sur la théorie économique, depuis Xénophon et Aristote, jusqu'à la wertkritik, la théorie de la régulation, le capitalisme cognitif ou l'écologie politique, en passant par Marx, Smith et Ricardo. Le principal enseignement que j'en tire est que, comme toute science sociale, l'économie vise à produire des modèles de la société dans laquelle nous vivons, afin de nous aider à la comprendre et la maîtriser.

Le propre de l'économie du capitalisme démocratique est cependant de dépasser cette phase de modélisation en érigeant les modèles conçus au rang de vérité absolue, non seulement rendant compte de la totalité de la réalité, mais en commandant que toute action sur la réalité se conforme à ces modèles. L'abstraction – c'est-à-dire étymologiquement l'extraction, la séparation, l'ablation d'une partie d'un tout –, qui a permis de construire ces modèles économiques à partir de la réalité, est consciencieusement dissimulée. Il en résulte une objectivation, une réification du produit de cette abstraction qui se présente à nous comme capable d'exercer un pouvoir – s'affichant comme naturel alors qu'il est socialement construit –, sur nos vies. Même les plus « sociaux-démocrates » des réformateurs reconnaissent qu'il s'agit là d'une stupidité et qu'il conviendrait de remettre l'économie à sa place : celle de l'élaboration de modèles abstraits qui doivent être pris en tant que tels : abstraits, ne représentant qu'une projection partielle – mutilée – de la réalité et devant ainsi se soumettre à sa totalité et non l'inverse. « Faire primer la politique, la démocratie, l'humain – faites votre choix ! – sur l'économie » est le slogan rendant compte de la prise de conscience de la stupidité de l'économie en tant que délire hégémonique.

Mais l'économie du capitalisme démocratique est stupide à plus d'un titre. Elle l'est surtout dans ses fondements mêmes. L'analyse de ce en quoi elle consiste ne peut que conduire à conclure qu'elle est génétiquement conçue pour aboutir à sa propre fin – et ce de manière endogène. Or, cette analyse est centrée autour du concept de valeur. La valorisation de la valeur est ce qui définit le but du capitalisme.

On touche là à quelque chose que je connais bien. De par ma formation en informatique, la manipulation des valeurs est au cœur des logiciels que je programme quotidiennement. Mais l'écho entre économie et informatologie ne s'arrête pas ici. C'est en m'engageant dans l'activisme contre les brevets logiciels que j'ai défini le terme d'informatologie, comme étant l'étude de l'informatique ne s'arrêtant pas au seul angle purement technique – par exemple de la programmation –, mais englobant une critique l'abordant sous ses aspects sociologique, historique, économique, politique, éthique et philosophique : l'informatologue est à l'informaticien ce que le politologue est au politicien.

C'est dans ce champ précis que la crise du capitalisme démocratique rencontre la crise du système des brevets. Ce billet, en explorant le parallèle entre l'économie capitaliste et les brevets logiciels, se propose de montrer que l'un et l'autre s'acheminent à grand pas vers leur anéantissement et qu'il importe qu'ils soient dépassés.

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