Dans le cadre de la pandémie de Covid-19, les articles, prises de position et analyses quant aux outils numériques de traçage – potentiels ou déjà mis en œuvre de par le monde – sont nombreux, tant qu’il ne semble même plus y avoir besoin de rappeler en quoi consistent ces dispositifs.
Vraiment ? Il y a certes une très grande disparité entre les simples opinions – positives ou négatives –, les expertises scientifiques – quel que soit le domaine considéré dans la division des « Sciences » – et les tribunes – argumentées plus ou moins rigoureusement. On peut schématiquement classer tous ces textes en trois catégories, selon qu’ils appellent au rejet, à l’acceptation ou à la méfiance vis-à-vis de ce qui en France a été baptisé StopCovid et qui se décline dans différentes variantes selon les latitudes.
Cependant, rares – pour ne pas dire inexistants — sont les propos qui en définitive ne se réduisent pas à ce qu’on peut qualifier de jugement moral, au sens large. C’est-à-dire qu’il s’agit presque toujours de se référer à des valeurs permettant à chacun, dans la souveraineté de son libre arbitre, de trancher si ces solutions numériques de traçage sont à considérer comme comme bonnes ou mauvaises, selon qu’elles respectent ou non lesdites valeurs, assorties éventuellement d’exigences permettant de s’y conformer.
Tout autre est la mise en pratique d’une réflexion basée sur l’Éthique, telle qu’elle a été exposée par la philosophie de Spinoza. Pour le dire succinctement, elle consiste à tenter de connaître le mieux possible les choses en ce qu’elles sont, de façon à pouvoir sélectionner les manières d’interagir avec elles permettant d’accroître sa propre puissance d’agir et de penser. Il n’est plus question de juger, mais de sélectionner. Et ceci, non en fonction de valeurs en surplomb, mais par une connaissance adéquate de l’essence des choses, c’est-à-dire des rapports qui constituent celles-ci.
On ne trouvera évidemment pas dans une philosophie du XVIIe siècle d’indications sur une application numérique pour smartphone susceptible d’être mise en œuvre pour limiter la propagation d’un virus inconnu. Mais suivre la démarche éthique spinozienne offre une perception du problème éclairante. En mettant en lumière son essence, nous pourrons en déduire directement les effets. Nous retrouverons ainsi de nombreux points déjà soulevés par les analyses morales et nous serons à même de sélectionner ceux que nous pouvons éthiquement reprendre à notre compte et écarter les autres. Surtout, nous pourrons clairement dégager la nature profonde de ces dispositifs numériques et voir si elle entraîne un accroissement ou une diminution de notre puissance – pour le dire autrement : StopCovid et ses semblables sont-ils un remède fortifiant ou un poison ?