Les publicités des divers organismes de protection anti-psi, à la TV et dans les homéojournaux, ne cessaient de haranguer le public ces derniers temps. Défendez votre intimité, proclamaient-elles partout et à chaque moment. Est-ce qu’un étranger n’est pas à l’affût de vos pensées ? Êtes-vous vraiment seul ? Cela concernait les télépathes… mais il y avait aussi les nauséeuses causes de souci dues aux précognitifs. Vos actes sont-ils prédits par quelqu’un que vous n’avez jamais rencontré ? Quelqu’un que vous ne tiendriez pas à connaître ni à inviter chez vous ? Mettez fin à votre anxiété ; contactez le plus proche organisme de protection qui vous fera savoir si vous êtes ou non victime d’intrusions psychiques interdites et qui, sur vos instructions, les neutralisera – ceci pour un prix modéré.
Philip Kindred DICK, Ubik, 1969, traduction Alain DORÉMIEUX, Paris, Éditions Robert Laffont, 1970, p. 14-15
On appellera « ubique » tout ce que l’on désigne tantôt par le signifiant « informatique », tantôt – et de plus en plus – par celui de « numérique ».
L’ubique est le nom et l’objet d’une enquête. Celle-ci a pour objectif de déterminer le caractère révolutionnaire ou contre-révolutionnaire de l’ubique. Peut-on se fier et prendre appui sur l’ubique dans une visée émancipatrice ? Ou, au contraire, l’ubique doit-elle être combattue en raison des incomparables moyens de contrôle et de domination qu’elle fournit ?
Nous vivons à l'ère du numérique. Le numérique a envahi l’intégralité de nos vies sociales, personnelles, professionnelles, privées, économiques, politiques, etc. Ce constat semble aujourd’hui largement partagé, au point de devenir indiscutable. Ce que notre enquête a montré, c’est qu’il n’est pas innocent que soit employé le vocable de « numérique » pour caractériser cet état de fait : c’est qu’il est intimement lié à la domination capitaliste. Rien d’étrange à cela car le même constat peut être sans conteste attribué au capitalisme : n’a-t-il pas indiscutablement envahi l’intégralité de nos vies sociales, personnelles, professionnelles, privées, économiques, politiques, etc. ? Ne vivons-nous pas à l’ère de l’apogée du capitalisme ? Ce qui relève moins d’une évidence, c’est que cette hégémonie conjointe du numérique et du capitalisme a pour fondements les principaux concepts cybernétiques, que la dernière étape de notre enquête a dépeints à gros traits.




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